Créé il y a huit ans, Irbis a émis l’an passé pour 1,7 milliard d’euros de produits structurés, en particulier via les CGP.
Découvrez la philosophie d’investissement de Irbis et de ses outils innovants en compagnie de Clément Lemaire, son directeur général.
Investissement Conseils : Pourriez-vous nous resituer ce qu’est Irbis ?
Clément Lemaire : Irbis est un courtier en produits structurés, créé par Yves Conan et Antoine Delon, bien connus des CGP, et qui ont auparavant exercé chez Société générale CIB et Morgan Stanley. Je les ai rejoints dès la création de Irbis. Alors qu’ils venaient de faire l’acquisition du courtier en ligne Linxea, notre vision pour Irbis était de créer une structure de courtage en produits structurés en BtoB, tout en continuant à accompagner nos clients historiques.
Aujourd’hui, nous travaillons avec une quinzaine d’émetteurs bancaires qu’ils soient français ou internationaux. Cette diversité nous offre une vision globale du marché des produits structurés, nous permettant d’être générateurs d’innovations pour nos clients. Avec nous, les CGP peuvent lancer des appels d’offres en réelle architecture ouverte.
Depuis notre création en 2015, nous avons connu une croissance rapide et continue, que ce soit auprès de nos partenaires historiques ou par la conclusion de nouveaux partenariats. Nos partenaires sont aussi bien des cabinets de gestion de patrimoine que des grands comptes, tels que des compagnies d’assurances, des banques privées et des réseaux de courtage. Ces acteurs souhaitent externaliser les aspects administratifs de la conception des produits. L’an passé, nous avons réalisé une année record, avec 1,7 milliard d’euros de produits structurés émis.
Comment vous différenciez-vous alors que la concurrence est de plus en plus féroce sur votre marché ?
Alors que la société démarrait de zéro, notre choix a été de nous différencier par la qualité de service et les outils que nous mettons à disposition de nos partenaires. Dès lors, nous avons lancé Irbis Map, un outil full digital permettant à nos distributeurs d’accéder à des reportings uniformisés sur les produits structurés qu’ils ont conseillés à leurs clients, quelle que soit l’origine du produit. Irbis Map, conçu totalement en interne et utilisé par plus de cinq cents cabinets de gestion de patrimoine, offre une fonctionnalité d’agrégation des produits, ainsi qu’une solution de Pricing, que les CGP utilisent principalement pour dégrossir le travail. Lorsqu’ils ont besoin de conseils ou d’informations pour aller au bout du processus, ils nous contactent directement. En effet, si les outils sont nécessaires, ils ne remplacent pas la relation commerciale que nous entretenons avec eux. C’est là qu’entre en jeu notre qualité d’accompagnement avec, à la fois une équipe dédiée aux opérations (informations produits, référencement, etc.) et une équipe commerciale étoffée de six personnes. Nous sommes présents sur l’ensemble des cycles de vie d’un produit, de sa conception à sa commercialisation et son référencement, jusqu’au suivi de sa valeur liquidative en cours de vie.
Par ailleurs, notre engagement envers un accompagnement complet est renforcé par la recherche d’Otea Capital qui a récemment rejoint le groupe. Nous prévoyons également de renforcer notre expertise financière en recrutant un ingénieur financier dans les prochaines semaines.
Quelle est votre philosophie d’investissement ?
Nous tâchons de concevoir des produits qui ne soient ni trop risqués, ni trop complexes afin d’éviter à nos partenaires, et par extension à nous-mêmes, les douloureuses opérations de SAV. En effet, Yves et Antoine ont connu la période 2008 qui a révélé les failles de certains produits structurés, en particulier les plus complexes et les plus risqués. Par exemple, nous nous sommes toujours écartés des solutions sur le groupe Rallye (Casino). Les produits structurés restent ainsi une solution d’investissement complexe, attention donc à choisir le bon produit qui doit être commercialisé par le distributeur adéquat.
Chez Irbis, nous privilégions ainsi les produits sur indice car ils offrent davantage de sécurité à l’investisseur. En effet, selon notre analyse portant sur plus de six mille produits émis en France depuis 2015, seuls 3 % des produits structurés ont subi une perte en capital, et aucun produit sur indice n’a constaté à ce jour de perte depuis plus de huit ans.
Dans ces quelques cas négatifs, il s’agissait de formules sur des horizons d’investissement courts, peu protégées et émises sur des indices sectoriels ou au plus haut des marchés… En revanche, les cas de perte en capital sur sous-jacent action sont historiquement plus fréquents:pour ce type de produit, nous conseillons vivement de renforcer les niveaux de protection et les mécanismes de sécurité.
Notre rôle aujourd’hui est de démocratiser les produits structurés et de s’assurer de leur bonne utilisation.
Quel regard portez-vous actuellement sur le marché des produits structurés ?
Le marché a connu un grand chamboulement en 2022–2023 avec la hausse des taux qui a permis la réapparition des produits à capital garanti. Ces derniers ont représenté plus du quart de notre collecte l’an passé. De nouveaux produits ont ainsi été lancés, tels que des autocalls inversés sur les taux d’intérêt, dont la performance se réalise en cas de baisse des taux.
Chez Irbis, notre collecte reste diversifiée, avec toujours des autocalls sur indices (principalement) ou sur titres (avec toujours plus de sécurité que sur les indices), lesquels ont représenté 65 % de nos émissions. Les marchés étant actuellement à des niveaux élevés, ces produits sont aujourd’hui conçus de façon plus sécurisée.
La capacité à proposer une gamme variée de produits adaptés à toutes configurations de marché et aux objectifs des investisseurs constitue la grande richesse des produits structurés. Aujourd’hui, les investisseurs recherchent de la visibilité, de la protection et un potentiel de performance dans leurs investissements. Les produits structurés leur offrent cela, d’où l’augmentation de leur part de marché, année après année.
Une autre évolution majeure dans notre marché concerne l’ESG. Initialement axée sur les indices thématiques ESG, cette approche a été confrontée à des performances décevantes par rapport aux indices traditionnels.
Aujourd’hui, nous nous tournons davantage vers des produits liés aux émissions vertes des banques, qui financent des projets à impact environnemental positif.
Enfin, l’offre tend, comme dans tous les domaines d’activité, à être toujours plus personnalisée. Chez Irbis, 85 % de nos produits sont dédiés à un cabinet ou à un investisseur, selon leur cahier des charges.
Qu’en est-il de votre activité dédiée à la trésorerie des personnes morales ?
Avec la hausse des taux, la concurrence des banques s’est accrue avec une forte hausse de la collecte vers les DAT et CAT (dépôts à terme et comptes à terme, ndlr). Pour des horizons d’investissement à plus long terme, il est possible de trouver des formules attractives adaptées au risque voulu. Avec la possible baisse des taux, à l’avenir, les produits structurés constituent une des seules solutions pouvant allier sécurité et visibilité.
Indice classique ou indice optimisé ?
Les indices optimisés permettent d’offrir de meilleurs couples rendement-risque. Pourquoi ? Car les dividendes fixes permettent aux banques de maîtriser leurs coûts de couverture et donc de proposer des structures de produits plus équilibrées. Néanmoins, nous travaillons avec une sélection restreinte de ces indices, en restant vigilants sur la cohérence entre le dividende prélevé de façon synthétique et le dividende réel réinvesti. Dans tous les cas, nous conseillons d’y associer des protections plus élevées et des mécanismes plus sécurisés.
Que pensez-vous des fonds ou mandats de produits structurés ?
Jusqu’à présent, ce type de solution n’a pas suscité un vif intérêt et nous commençons tout juste à travailler avec quelques sociétés de gestion agréées pour les produits complexes. Les conseillers en gestion de patrimoine et leurs clients apprécient généralement l’effet millésimé des produits structurés ; le conseil et l’acte d’investissement sont plus clairs, et les clients peuvent facilement comprendre les avantages du produit rappelé ou du coupon détaché.
En revanche, avec le format géré, cet aspect « bonne nouvelle » est souvent perdu. Cela éloigne quelque peu le conseiller de son client. Nous conseillons à nos partenaires d’augmenter le nombre de millésimes pour leurs clients afin d’assurer la meilleure diversification possible.