Anticiper les mutations de la distribution de solutions d'épargne

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Alors que son mandat s’achève dans quelques mois, Stéphane Vidal dresse le bilan de son action à la tête de l’Apeci (Association professionnelle des entreprises de conseil en investissement) durant trois ans. Il revient également sur les grands changements qui s’opèrent sur le marché de la distribution de solutions de placement.

Investissement Conseils : Vous terminez votre mandat de président de l’Apeci dans quelques semaines, quel bilan pouvez-vous en tirer?
Stéphane Vidal :
Etre président de l’Apeci pourrait être un job à plein-temps, tant la matière à travailler est intéressante, la qualité des membres qui la composent enrichissante et les chantiers qu’ils restent à mener passionnants. Pour autant, nous sommes tous des patrons d’entreprise bien occupés, et nous lui consacrons le temps que nous pouvons. Ça peut représenter une petite frustration… Nous nous étions fixé un cahier des charges avec, comme principal objectif, d’apporter davantage de dynamisme dans nos échanges pour profiter de l’expérience de chacun et tenter de créer une sorte de knowledge management pour notre profession.

Durant ces trois années, nous avons abordé une multitude de sujets au travers d’ateliers de travail chaque mois de façon assez régulière. Des sujets techniques relatifs à notre profession (la digitalisation en général, la signature électronique, l’homogénéisation de nos flux, la présentation de nouvelles UC autour des private assets, des points marchés sans tabou, le GrandParis, la distribution en ligne…), un partage d’expérience sur la gestion de nos entreprises et leur évolution (le LBO, la mise en oeuvre de l’actionnariat salarié, les grands principes sociaux, l’application du RGPD…), mais aussi des réunions contextuelles, par exemple pendant l’été 2019, où autour des assureurs de l’association, nous avons échangé en toute transparence sur les fonds en euros et leur avenir alors que les taux à dix ans étaient passés négatifs.

Mon but était également de rendre l’Apeci plus visible du monde extérieur, pour être connue et entendue. Pour cela, outre la refonte de notre site Internet, nous avons communiqué via la réalisation de portraits pour chacun de nos membres:la notoriété de chacun a servi l’Apeci en lui donnant du corps.

Nous sommes à la base un think tank, pas une association, comme l’Anacofi, la CNCGP ou d’autres. Notre objectif est de faire progresser notre métier, par nos expériences diverses et la qualité de nos échanges, et de nous mettre au service de ces associations pour leur apporter notre vision des choses. Notre rôle n’est pas de faire de lobbying, mais sommes toujours prêts à apporter notre expérience, et notre point de vue aux instances gouvernementales, aux législateurs ou organismes de régulation. Je pense, notamment, aux nombreuses discussions que nous avons eues au sujet de la loi Pacte et à son application pratique, ou dans un autre ordre d’idées, les échanges avec les autres associations au sujet du plafonnement des honoraires de commercialisation de l’immobilier direct locatif.

Enfin, nous avons souhaité apporter une ouverture à nos échanges pendant nos voyages d’études, ce que nous appelons les moments «Out of the Box», durant lesquels nous faisons intervenir des professionnels en dehors de nos activités respectives. Des secteurs d’activité qui ont vécu des transformations liées à la digitalisation, à l’évolution nécessaire à leur modèle économique dans le temps, faisant émerger chez nous des réflexions sur notre propre évolution. Il a pu s’agir de secteurs comme le luxe, l’hôtellerie, la Tech, mais aussi des activités plus proches des nôtres, dans des zones géographiques éloignées, avec un «mindset»différent. L’épargne ne représente qu’une petite part des «actes d’achat»de nos clients. Elle n’échappe pas aux évolutions de leur mode de consommation, plus simple, plus transparent, plus interactif et doté de plus de sens… Nous avons encore beaucoup à faire.

Quel a été l’impact du Covid sur le marché de la gestion de patrimoine ?
S. V. La crise sanitaire a été un accélérateur des tendances sur plusieurs sujets:la digitalisation évidemment, l’avènement des relations à distance permise par cette digitalisation, mais aussi le renforcement du besoin de diversification des portefeuilles de nos clients pour faire face à la volatilité des marchés.

La crise sanitaire et économique que nous vivons doit nous forcer à être plus pédagogues encore. C’est un véritable enjeu de société. En effet, s’il est toujours nécessaire d’avoir des liquidités pour être réactif (épargne de précaution), la sur-épargne considérable accumulée pendant cette période devrait permettre à nos clients d’accélérer la préparation de leur retraite. Nous constatons aujourd’hui qu’elle est logée en grande partie sur les comptes courants ou livrets d’épargne – logique partiellement dans un contexte anxiogène, mais exagérée actuellement.

Notre rôle doit être plus que jamais de les guider pour préparer au mieux leur futur. Un futur qui sera de plus en plus long (démographie) et de moins en moins financé par la répartition. L’accumulation de dettes nouvelles du fait du Covid n’arrangera rien à la résolution de cette équation. Ce rôle social que nous avons doit s’affirmer plus encore aujourd’hui.

Ces dernières années ont également été celles de la montée en puissance de la gestion ISR, thématique…
S. V. Tout à fait, un cap a été passé au niveau de l’investissement des institutionnels, mais aussi des particuliers. Cela est un choix désormais résolument assumé de nos clients, et la nouvelle génération y est encore plus attachée. Cela met la pression aux acteurs, avec des labels plus stricts et complexes à obtenir, concourant à accélérer cette évolution responsable de l’investissement, c’est une bonne chose! On peut également se féliciter de l’avènement des gestions thématiques qui rendent plus concrètes les solutions d’investissement. Le Private Equity a raflé depuis quelques années «le label»d’économie réelle. Je m’oppose à cette vision. Investir dans de l’immobilier tertiaire qui abrite le développement des emplois, ou investir dans des sociétés cotées représentent, bien sûr, l’économie réelle. J’ai l’impression que l’émergence des thématiques nous aide à rétablir cette vérité.

Allons-nous vers des produits plus simples, donc plus facilement «achetés»par les clients?
S. V. Oui, car il s’agit de solutions plus visibles; mais les produits complexes permettent de générer de la performance. C’est la pédagogie client qui permet d’emporter son adhésion.

L’un des grands enjeux pour le marché de la distribution est la digitalisation, surtout si des géants du Web décident d’investir le marché de l’épargne.
S. V. Ces acteurs se sont, dans un premier temps, intéressés au marché bancaire avec comme ambition forte de «faire parler la data», grâce à leur technologie avancée. Mais, eu égard à la faible rentabilité du secteur, il semble en effet qu’ils pourraient plutôt investir un jour le marché de l’épargne, plus rentable, moins consommateur de fonds propres et ayant désormais la capacité de consolider la data grâce aux solutions d’agrégation de l’épargne bancaire, financière et immobilière. L’accélération de notre digitalisation est indispensable, et pour qu’elle soit efficace, il convient d’emprunter les codes de secteurs d’activité marchands qui ont réussi leur transformation numérique.

Une chose est sûre:le conseil apporté par des professionnels compétents restera la norme. Le digital sera une commodité de communication, de pédagogie et de contractualisation.

Vous organisez votre séminaire du 8 au 10 octobre. Quels seront les thèmes abordés ?
S. V. L’ordre du jour sera inchangé par rapport à ce que nous avions imaginé en début d’année (report). Evidemment, le contexte actuel viendra enrichir les débats.

Ce séminaire sera dense avec des ateliers sur les modèles de distribution:-Open Architecture ou modèle intégré?-les avantages et inconvénients de chacune des solutions;-comment gagner des parts de marché dans un contexte de consolidation du secteur des indépendants?-la croissance externe et la modification de nos structures capitalistiques;-les nouveaux supports d’investissement à impact;-le développement de nos activités en dehors de nos frontières;-un sujet ressources humaines autour des compétences nouvelles à apporter à nos clients;-quel impact sur nos stratégies de recrutement?-et le témoignage «Out of the Box»d’un grand groupe hôtelier qui nous éclairera sur l’évolution de leur modèle (digital, distribution, détention immobilière, RH) au cours des cinq dernières années, et les impacts de la crise sur le mode de gestion et de management de l’entreprise.

Comptez-vous réaliser un second mandat?
S. V. J’ai pris énormément de plaisir à travailler avec le conseil et à échanger avec les membres pendant ce mandat de trois ans. Mais je pense que la présidence de l’Apeci doit tourner afin qu’un nouveau président apporte sa fraîcheur, son style et une nouvelle dynamique à nos échanges. Je compte sur lui ou sur elle!


Réunir les distributeurs et partager avec les producteurs
L’Apeci se définit comme «un think tank [un laboratoire d’idées, ndlr] qui réunit des dirigeants d’entreprises de distribution de produits d’investissement, de sociétés de gestion d’actifs et de sociétés d’assurance». Créée en 1995, l’association regroupe vingt dirigeants d’entreprises de l’univers de la distribution, dit membres actifs, vingt-cinq dirigeants d’entreprises partenaires-fournisseurs, dits membres partenaires, ainsi que deux membres fondateurs (André Camo et Henry Thebault).