Une équipe d’entrepreneurs investis

Les acteurs
Outils
TAILLE DU TEXTE

Amiral Gestion poursuit son développement depuis près de vingt années, en cultivant les mêmes convictions de gestion. Avec aujourd’hui près de 4 Md€, la société de gestion propose depuis peu ses deux premiers fonds thématiques, l’un sur le climat, l’autre sur la Tech. L’occasion de rencontrer son directeur général délégué et directeur du développement, Benjamin Biard.

Une equipe dentrepreneurs investisInvestissement Conseils : Pourriez-vous nous représenter votre société de gestion ?
Benjamin Biard : Amiral Gestion est une société de gestion entrepreneuriale qui fêtera son vingtième anniversaire l’an prochain. Si notre fonds historique a vingt ans, il était au départ hébergé à la Financière de l’échiquier pendant un an. Jusqu’en janvier 2012, date de mon arrivée en tant que premier commercial, la société était constituée essentiellement de gérants. Ce fort ADN de gérant demeure puisqu’aujourd’hui, cinq gérants composent encore le comité de direction, et la moitié de l’effectif est dédiée à l’analyse et aux rencontres de sociétés.
Nous sommes tous des entrepreneurs car, à partir d’un certain historique au sein de la société, tous les collaborateurs de la société deviennent actionnaires. Le plus bel exemple est Julien Lepage qui a été le premier actionnaire salarié et qui est désormais notre président et directeur des investissements. Notre capital évolue chaque année; cette démarche a pour objectif d’intéresser les forces vives à la réussite de l’entreprise, de fidéliser les talents et de maintenir l’implication de chacun au quotidien pour la réussite globale et à long terme de l’entreprise, avec un alignement d’intérêts avec les clients finaux. Enfin, nous sommes tous investis, c’est-à-dire tous porteurs de parts de fonds Sextant, notamment via notre plan d’épargne-entreprise.
Jusqu’en 2011, la gamme était constituée de cinq fonds, tous actions, hormis notre fonds diversifié Sextant Grand Large. Ce n’est qu’ensuite que notre offre s’est élargie progressivement et que la société a développé son équipe commerciale. A l’époque, nous gérions 200 millions d’euros, contre environ 3,8 milliards aujourd’hui. Ce développement s’est d’abord réalisé auprès des conseils en gestion de patrimoine, puis via l’obtention de mandats, le premier, le fonds Nova, sur les petites et moyennes capitalisations qui est géré pour le compte d’un pool d’investisseurs orchestré par la CDC.

Quelle est la politique de gestion d’Amiral Gestion ?
L’ensemble des fonds partage le même langage, avec un même processus de gestion et des contraintes communes. Nous sommes des stock-pickers et visons des entreprises de qualité ou dont nous estimons qu’elles ont un fort potentiel de rebond selon les engagements pris par le management et après avoir dialogué avec elles. Nous développons une approche de valorisation quantitative basée sur leur compte de résultat et leur bilan, avec un historique d’au moins dix ans. Parallèlement, nous réalisons des anticipations des résultats sur les trois prochaines années, voire cinq années dans certains cas. Notre taux d’actualisation au sein de nos modèles DCF est figé pour l’ensemble de nos sociétés, quels que soient le secteur ou la zone géographique. Cette méthode est aussi utilisée par Warren Buffet.
Notre modèle DCF vise un retour à la moyenne sur des marges normatives, sans vue macroéconomique, même si nous ne restons pas aveugles face aux évènements exogènes. Chaque valeur dispose d’une note qualité qui repose sur trente critères, dont certains ESG. A partir de là, nous recherchons des entreprises que nous jugeons décotées d’au moins 30 %, à la fois pour disposer d’un potentiel de hausse significatif et protéger nos positions. Nous écrêtons notre position lorsqu’elle approche de sa « juste valorisation ». Les fonds sont gérés en sous-portefeuilles:plusieurs gérants disposent d’un certain pourcentage du fonds, tout comme les analystes avec une part plus réduite. Au sein de chaque portefeuille, chaque cas d’investissement est présenté à l’ensemble des collaborateurs. Deux d’entre eux jouent le rôle de détracteur pour challenger la position du gérant, lequel reste libre de prendre sa décision d’investir ou non. Ce mode de fonctionnement est vertueux, car il permet de prendre des décisions d’investissement éclairées, sans prise de risque excessive. Cela permet aussi le partage des bonnes idées entre les membres de l’équipe de gestion. Par cette organisation, nous évitons le phénomène de gérant star et de faire progressivement monter en responsabilité les jeunes analystes qui deviennent des piliers de l’équipe de gestion, à l’image de Raphaël Moreau, David Poulet ou encore Bastien Goumare. Ce mode de fonctionnement nous a également permis d’attirer des gérants expérimentés, comme Sébastien Ribeiro (ex-Keren), Anne-Claire Daussun (ex-LFDE), Jacques Sudre (ex-DNCA) ou encore Vincent Mercadier (ex-Tikehau).

En matière d’ISR, quelle est votre démarche ?
Dès notre premier mandat Nova, nous avons intégré des contraintes ESG. Travailler avec le monde institutionnel nous a poussés dans nos retranchements et a permis de prendre cette dimension assez tôt dans notre gestion, notamment sur les risques liés à l’entreprise sur les plans de la gouvernance et du social. Par exemple, dès 2012, nous avons intégré un indicateur emploi, ce qui nous a permis de remporter des mandats pour le compte de l’ERAFP et du FRR.
Ensuite, avec les évolutions réglementaires, nous nous sommes fait accompagner par un cabinet extérieur pour formaliser notre démarche ISR et RSE, via un travail interne qui a réuni et mobilisé l’ensemble des collaborateurs pendant un an et demi. Nous avons ensuite racheté ce cabinet, lequel constitue désormais notre pôle ISR, avec Véronique Le Heup, Camille Louis et Hans Moussavou qui vient de nous rejoindre. L’ISR n’est pas un process mené en parallèle de la gestion, mais que chaque gérant s’est approprié. Il ne s’agit pas de tomber dans le Greenwashing, mais que nos investissements soient utiles.
Dans ce sens, nous travaillons activement sur lancement d’un fonds dédié à la transition climatique. Ce dernier investira essentiellement sur les entreprises de petite et moyenne taille, souvent oubliées par l’industrie en raison d’un degré d’avancement sur le sujet moins avancé que les grandes valeurs. Nous mettrons à contribution notre proximité, ainsi que notre capacité d’engagement afin de les faire progresser sur le sujet. Le fonds en projet sera constitué de deux poches, l’une comprenant des entreprises ayant déjà fait des progrès dans la prise en compte de ces enjeux et l’autre qui portera sur des entreprises actuellement en transition vers une activité décarbonée, mais qui ont encore du chemin à faire sur plusieurs aspects. L’objectif n’étant pas d’investir dans les meilleures de leur catégorie ou les entreprises les plus vertueuses d’entre elles, car nous pensons que la transition écologique devrait concerner l’ensemble des activités économiques.

Comptez-vous lancer d’autres fonds ?
Tout à fait, un fonds sur la Tech est d’ores et déjà disponible, un secteur essentiel dans la transformation économique que nous vivons. Nous accompagnons ces sociétés depuis toujours, et ce avec la même rigueur quant à la valorisation des valeurs. Par exemple, notre fonds Sextant PEA a connu beaucoup de succès après l’éclatement de la bulle Internet grâce à cette discipline. Nous avons souhaité lancer ce fonds pour accompagner le mouvement de fond lié au rapport Tibi qui ambitionne de créer une Silicon Valley en Europe et répondre aux problématiques de financement des licornes françaises jusqu’à leur introduction en Bourse. La création de ce fonds intervient alors que les valeurs de la Tech US ont bien reflué. Ainsi, il s’agira d’un fonds d’abord international qui deviendra progressivement de plus en plus européen. Il investira sur des sociétés rentables et au business model lisible. La création de ce fonds répond à une forte conviction interne, et non pas à une démarche marketing. Un fonds sur les obligations convertibles pourrait également être proposé dans les mois à venir.

Quels autres fonds proposez-vous aux CGP ?
Notre fonds phare est Sextant Grand Large (1 Md€ d’encours), notre fonds diversifié, puis nous trouvons Sextant PEA (160 M€ d’encours) et Sextant PME (190 M€) bien connus des CGP. Il y a quelques années, après avoir recruté Jacques Sudre, nous avons créé Sextant Bond Picking (230 M€) et, au cours des deux dernières années, nous avons créé Sextant France et Sextant Asie (60 M€). Dans des marchés actuellement difficiles, nos partenaires nous reparlent de Sextant Grand Large, dont la flexibilité est appréciée. Pour les plus dynamiques, Sextant PME peut être une bonne solution d’investissement car les niveaux de valorisation sont actuellement assez raisonnables. Il existe sur ce marché des small et mid-caps beaucoup d’entreprises leaders sur leur niche et qui disposent ainsi d’un fort pricing power. Les dirigeants de ces entreprises n’entrevoient pas de signal de ralentissement et restent confiants malgré les problématiques de hausse des matières premières, de livraison ou de difficultés à embaucher.A l’inverse, les plus défensifs s’orientent sur Sextant Bond Picking qui est actuellement investi sur le marché du High Yield avec des maturités à court terme.

Pourriez-vous revenir sur le non-coté ?
C’est possible. Il est vrai que nous travaillons et avons travaillé au travers de fonds de dette privée pour les institutionnels. Nous voyons d’un bon oeil le développement de la classe d’actifs pour les particuliers, même s’il convient d’être vigilant car il s’agit d’une classe d’actifs de long terme, peu liquide et risquée.

Pourriez-vous être un acteur de la consolidation du marché ?
Si nous avons regardé quelques dossiers, nous ne sommes pas allés plus loin et nous ne sommes pas intéressés à être rachetés. Nous sommes dans l’optique de continuer notre développement de façon autonome:la moyenne d’âge des membres du comité de direction est de quarante-quatre ans et celle des équipes de trente-sept ans. Nous pourrions être intéressés par l’acquisition d’une structure proposant de la gestion privée ou d’attirer des talents au sein de l’équipe plutôt que de les acquérir.

Propos recueillis par Benoît Descamps

Articles sélectionnés pour vous

logo lbf

Sociétés citées