Dans un contexte difficile pour la pierre-papier, AEW Patrimoine souhaite renforcer ses liens avec les CGP, tout en affichant sa transparence sur la valorisation de ses véhicules. Entretien avec Antoine Barbier, directeur d’AEW Patrimoine, qui nous présente également sa gamme de cinq SCPI : trois à capital variable et deux à capital fixe.
Investissement Conseils : Pourriez-vous nous resituer votre société AEW Patrimoine ?
Antoine Barbier : AEW Patrimoine est un acteur international de l’asset management immobilier né de la fusion entre AEW et Ciloger en 2016. En mai 2022, nous sommes devenus une filiale à 100 % du groupe BPCE (Banque populaire-Caisse d’épargne) dans le cadre du rachat de la CNP par la Banque postale. Néanmoins, nous conservons nos accords industriels avec la Banque postale, et cette opération n’a pas eu de conséquences fortes sur nos fonds grand public qui restent distribués principalement par la Banque postale, les Banques populaires et les Caisses d’épargne. Nos encours s’élèvent à 37,1 milliards d’euros en Europe, dont 9,23 milliards gérés pour le compte d’investisseurs particuliers via des SCPI, SCI et OPCI au 30 juin 2024.
Que représentent pour vous les conseils en gestion de patrimoine ?
Lors de la fusion entre AEW et Ciloger, nous avions quelque peu délaissé ce segment de distribution, sans pour autant l’abandonner puisque nous avons toujours été présents à Patrimonia par exemple. Pour différentes raisons, nous avions, en effet, privilégié nos réseaux propriétaires. Depuis que j’ai repris la direction d’AEW Patrimoine il y a trois ans, j’ai souhaité que notre structure réinvestisse ce canal qui représente un milliard d’euros d’encours chez nous. Il est en effet important pour une société comme la nôtre d’avoir une collecte auprès du grand public, également drainée par les conseillers en gestion de patrimoine qui ont su attirer les clients vers ce type de produits, y compris durant la crise sanitaire et toujours aujourd’hui alors que le contexte est moins porteur pour la pierre-papier. Nous disposons d’une gamme de produits qui convient parfaitement à leur clientèle. Il s’agit en particulier de trois SCPI aux approches diversifiées et complémentaires, mais aussi de nos deux SCPI à capital fixe, un marché spécifique de confrontation entre des ordres d’achat et de vente que maîtrisent bien les CGP. Notre objectif est que ces derniers représentent, à terme, 30 % de notre collecte.
Quelles sont vos deux SCPI à capital fixe ?
Nous disposons de Fructipierre, une SCPI investie dans des bureaux situés dans le quartier central des affaires (QCA) de Paris. Dotée de plus de 1,15 milliard d’euros d’encours, son taux de distribution s’élevait 6 % lors de la dernière confrontation, en septembre dernier, sur le marché secondaire. Notre seconde SCPI à capital fixe est AEW Paris Commerces (270 millions d’euros de capitalisation), dont le patrimoine repose sur des actifs en pied d’immeuble situés dans la capitale. Selon la dernière confrontation, son rendement atteignait 7 %.
Un mot sur vos trois SCPI à capital variable destinées aux CGP ?
Il s’agit de :
- AEW Opportunités Europe (280 millions d’euros d’encours) : cette SCPI apporte une réponse opérationnelle à ceux souhaitant investir dans un véhicule dont le rendement est supérieur à 5 %. Actuellement, il se situe à 5,4 % et l’acquisition des parts se fait avec une décote de 8 %. En effet, nous avons souhaité proposer un prix de part agressif par rapport à sa valeur d’expertise au 30 juin dernier. La stratégie de cette SCPI a évolué récemment. Initialement centrée sur des bureaux en région, nous avons décidé de diversifier son patrimoine par typologie d’immeuble et sur le plan géographique, notamment sur des retail parks, de la logistique ou encore des locaux d’activité et de l’hôtellerie.
- AEW Patrimoine Santé : comme son nom l’indique, cette SCPI investit sur l’immobilier de santé, avec une particularité : nous nous écartons des Ehpad car nous avons la conviction que ce marché doit être corrigé. Lancée il y a un an et demi, sa capitalisation est de 100 millions d’euros, et son patrimoine se compose de cliniques, d’immobilier logistique lié à la santé humaine et animale, de bureaux loués à des acteurs du marché de la santé, de résidences avec services pour seniors…
- enfin, la troisième SCPI est AEW Commerces Europe, dont la capitalisation atteint 1,55 milliard d’euros. Il s’agit de la plus grosse SCPI de commerces du marché. Elle propose un taux de distribution de 4,5 % actuellement, avec un taux d’occupation financier de 93 %. Nos perspectives sont positives, car nous avons investi dans des retail parks, une formule qui attire les consommateurs et qui a prouvé sa résistance lors de la crise sanitaire. Nous nous sommes récemment renforcés en Espagne, mais aussi en France, par exemple à Chambéry ou à Sainte-Geneviève-des-Bois. Toutes nos SCPI à capital fixe et variable disposent du label ISR, hormis AEW Commerces Europe qui est candidate au label pour l’année prochaine.
Comment avez-vous appréhendé les turbulences récentes sur le marché de la pierre-papier ?
Tout d’abord, notre gestion de la dette s’est avérée positive : nos fonds sont, en effet, pas ou peu endettés : 3 % par exemple pour AEW Commerces Europe et 10 % pour AEW Opportunités Europe, contre 21,5 % pour la moyenne de marché. Ensuite, durant ces mois très « challenging », nous avons fait le choix de la transparence. Il nous a tout d’abord fallu comprendre le marché, puis opérer des choix stratégiques et ensuite être pédagogues vis-à-vis de nos investisseurs et distributeurs. Ainsi, nous avons été les premiers, dès mars 2023, a réalisé des baisses de prix de nos parts et à réaliser des expertises plus régulièrement que ce que nous imposait la réglementation. Notre volonté était de permettre à nos futurs associés d’investir au bon prix et aux conditions réelles de marché. Cette démarche de transparence et de pédagogie nous a également permis de ne pas apeurer nos associés et de limiter les retraits. Cette transparence et nos révisions de prix ont été, nous en sommes convaincus, les bonnes réponses. Cette démarche nous permet d’ailleurs d’afficher, au 30 juin dernier, des reprises de valeur. Par exemple, AEW Patrimoine Santé affiche une situation de décote de 2,5 %. Les sorties de nos fonds sont, dans la grande majorité, provenues de fonds de fonds. Nous avons pu y faire face grâce à notre dynamique de collecte. Aujourd’hui, nous avons encore des parts en attente, mais cela reste résiduel : 2 % pour AEW Commerces Europe et 3,5 % pour AEW Opportunités Europe. Notre collecte restant active, nous avons des perspectives de résolution à court terme importantes.
Comment observez-vous la vague de nouvelles SCPI qui se lancent actuellement ?
Actuellement, nous sommes sceptiques sur les promesses de taux de distribution des nouveaux véhicules – autour de 6–7 % –, alors que le marché est baissier à court terme. Comment ces sociétés de gestion vont-elles respecter cet engagement dans la durée, alors que les taux baissent et qu’il existe un écart d’un point de base entre le taux de rendement d’un immeuble à l’acquisition et le taux réellement distribué à l’investisseur ? Cela nous semble peu tenable dans la durée. Chez AEW Patrimoine, nous avons fait le choix de repositionné nos véhicules, comme AEW Opportunité Europe, même si nous avons toujours des idées de création. Notre volonté est de faire valoir notre ADN européen avec des bureaux à Paris, mais aussi en Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Luxembourg, Pologne, Grande-Bretagne… Et demain, nous pourrions voir plus large puisque nous sommes également implantés aux Etats-Unis et dans l’Asie-Pacifique.
Quel dispositif avez-vous mis en place pour vos partenaires CGP ?
Notre distribution repose sur les équipes de Natixis IM dirigées par Stéphane Vonthron. Récemment, nous avons amélioré notre dispositif pour faciliter le quotidien des conseillers en gestion de patrimoine. Un parcours de souscription totalement digitalisé a été créé, allant de la sélection de la SCPI jusqu’à la signature électronique du bulletin de souscription. Depuis début octobre, nous proposons la gestion des prélèvements sur le compte des clients, ainsi que des solutions d’abonnement, à savoir des versements programmés à des montants très accessibles, ou encore la souscription de parts démembrées.