Entre croissance organique et externe, Auris Gestion poursuit son fort développement.
Outre sa gestion personnalisée et sa gamme de fonds obligataires, la société propose actuellement un fonds de Private Equity investi sur le marché secondaire et va élargir son panel de fonds actions. Entretien avec son directeur général en charge de l’asset management, Sébastien Grasset.
Investissement Conseils : Auris Gestion est un acteur qui compte de plus en plus sur le marché des CGP. Où en êtes-vous de votre développement ?
Sébastien Grasset : Auris Gestion connaît une forte croissance organique puisque nous allons prochainement dépasser les 3,5 milliards d’euros d’encours. Sur le marché des CGP, nous devrions atteindre les 800 millions d’euros d’encours gérés, en particulier grâce à nos mandats de gestion, notamment luxembourgeois (les fameux FID et FIC), mais aussi nos fonds sur mesure, puisque nous allons prochainement atteindre la soixantaine de fonds gérés pour le compte de cabinets de conseillers en gestion de patrimoine.
Certains vous accusent de casser les prix en matière d’offre personnalisée…
Ce jugement est révolu. Il est vrai qu’il y a quelques années pour pénétrer le marché, nous avions adopté une politique tarifaire agressive selon d’aucuns, alignée en fait avec ce que nous pratiquons pour les institutionnels. Mais depuis, en raison de la forte pression sur les marges qui s’exerce dans notre industrie, nos concurrents ont revu leur tarification à la baisse. En effet, outre l’augmentation de nos coûts réglementaires, informatiques ou encore de recherche (notamment ESG), en tant qu’asset managers, nous sommes aujourd’hui pressés aussi bien par les assureurs que par nos distributeurs.
Aujourd’hui, nos frais sont dans les standards du marché : 0,40 % pour les mandats et 0,45 % pour les fonds sur mesure. A ce titre, Auris Gestion est finalement en avance sur ses concurrents et totalement en ligne avec les principes de Value for Money. Cela va encore nous aider à collecter en matière de fonds dédiés, car nos frais de gestion très raisonnables répondent déjà aux exigences des assureurs et permettent de maintenir la rémunération des partenaires CGP.
Comment vous distinguez-vous sur ce marché ?
Nous bâtissons nos portefeuilles essentiellement avec des titres vifs et des ETF, aussi bien obligataires qu’actions. La poche en OPCVM – investie en parts institutionnelles – des portefeuilles est limitée à 50 %, et nos fonds maison, notamment obligataires, ne peuvent généralement représenter que 10 à 25 % d’un portefeuille, voire 0 % si cela est prévu dans le cahier des charges. Nous nous distinguons de nombreux concurrents qui imposent des fonds maison pour une proportion parfois démesurée et ubuesque. Nos portefeuilles intègrent également une diversification possible en produits structurés. D’ailleurs, nous disposons d’une offre de fonds et de mandats gérés à 100 % en produits structurés. Aujourd’hui, nous gérons environ 400 millions d’euros en gestion sous mandat pour des clients de CGP et plus de 400 millions également en fonds sur mesure créés pour des CGP.
Comment accompagnez-vous votre croissance sur cette offre ?
Par de nombreux recrutements, neuf l’an passé, notamment un analyste quantitatif et un risk manager pour assurer un suivi efficace de nos portefeuilles, et trois avant la fin de l’année, deux gérants seniors et un assistant de gestion. Au fur et à mesure que nos encours s’accroissent, nous adaptons notre organisation, notamment par le recrutement de gérants seniors.
Par ailleurs, nous avons récemment conclu un accord avec la société de gestion Phi IM (50 millions d’euros d’encours), dont les qualités du gérant senior, notamment en multigestion, Roman Kowalczyk, nous intéressent. Le rachat de Phi IM, qui reste soumis à l’agrément définitif de l’AMF, nous permet de nous rapprocher de la dizaine de cabinets membres de la Phi Family qui représentent plus d’un milliard d’euros d’encours.
Où en êtes-vous dans votre croissance externe ?
D’ici la fin de l’année, nous devrions compléter nos expertises par la validation de l’acquisition de deux sociétés de gestion spécialisées dans les actions. Cela sera évidemment soumis à l’agrément de l’AMF. Ces deux opérations vont nous permettre de muscler notre offre sur les actions – des large aux small caps –, alors que nous jouissons d’une bonne reconnaissance pour notre gestion obligataire. En outre, cela augmentera encore la qualité de notre équipe de gestion avec de nouveaux gérants seniors qui vont nous rejoindre. Il ne s’agit donc pas d’opérations se résumant à accroître nos actifs sous gestion, mais bel et bien d’élargir nos expertises et de nous doter de moyens complémentaires pour satisfaire notre croissance organique.
La pression sur les marges va conduire à la disparition des acteurs les plus petits et accélérer le processus de rapprochement des sociétés de gestion. Pour mener notre politique de croissance externe, nous avons emprunté une cinquantaine de millions d’euros auprès de banques et d’un fonds de dette d’Andera Acto, l’équipe en charge de la stratégie mezzanine sponsorless d’Andera Partners. Cela nous a aussi permis d’offrir des perspectives d’entrée au capital aux plus jeunes d’entre nous et cela est important afin de fidéliser les forces vives.
Vous avez aussi remodelé votre gouvernance…
Notre capital a été restructuré pour permettre à des associés plus anciens de réaliser une partie de leur actif professionnel. Marc de Saint-Denis est président de la structure, tandis que je suis devenu le directeur général de l’asset management et Philippe Krier, le directeur général de la gestion privée. Afin d’assurer une totale tranquillité d’esprit à nos partenaires CGP et family offices, ces deux activités restent totalement séparées. Dans le cadre des conventions de partenariat avec nos clients CGP, nous signons une charte déontologique qui inclut, en cas de non-respect de notre engagement, une clause pénale à leur profit, ainsi que les conditions d’un dédommagement si nous ne respections pas cette muraille de Chine. Cela nous distingue aussi de beaucoup de concurrents qui confondent les encours des CGP avec les leurs.
Comment se comporte votre gamme obligataire ?
Nous réalisons une belle collecte sur notre fonds daté Rendement Sélection 2027 (FR001400EF78), dont la période de commercialisation devrait être prolongée jusqu’à fin février 2024. Son positionnement défensif (pas d’obligations perpétuelles et 50 % minimum d’Investment Grade) le distingue de beaucoup d’offres de la Place et sa performance est très satisfaisante depuis son lancement.
Nos autres fonds obligataires « traditionnels » délivrent de belles performances. Selon nous, en raison du recul de l’inflation, les forces de rappel sont propices à une accalmie sur les taux, même si les tensions géopolitiques contrarient à court terme ce scénario. Les niveaux devraient baisser, même s’il existe une probabilité qu’ils demeurent élevés pendant un moment plus long.
Notre fonds Auris Euro Rendement (LU1599120273) qui repose sur une stratégie multi-crédit diversifiée et qui sélectionne des opportunités sur l’ensemble des segments de la classe d’actifs obligataire (High Yield, subordonnées, hybrides, etc.), délivre une performance de + 6,79 % sur trois ans (au 2 novembre). Auris Investment Grade (LU2309369606) offre une exposition 100 % Investment Grade indicielle, avec une couverture systématique contre la hausse des taux et une couverture contre un écartement violent des spreads de crédit. Géré par délégation par Selwood AM France avec une duration comprise entre 0 et 2, il va bientôt fêter ses trois ans et sa performance s’élève à 9,07 % sur un an (au 2 novembre). Auris Investment Grade a généré une performance qui sort de l’ordinaire, tant en comparaison de son peer group que des indices. Son positionnement est adapté au cycle. Notre gamme obligataire comprend également le fonds Auris Short Duration (LU2581854630, 2,83 % sur trois ans au 2 novembre) et le fonds mixte Auris Diversified Beta (LU1250158166, + 7,30 % sur trois ans au 2 novembre), ce dernier pouvant avoir une exposition actions de 35 % max.
Vous avez lancé une offre de Private Equity avec le fonds Hope 2029. Pour quelles raisons ?
Ce fonds est investi sur le marché du secondaire dans les domaines les plus robustes du capital-investissement : capital-développement et capital-transmission. Il vise à tirer parti des ventes forcées que sont contraints de réaliser certains investisseurs, le plus souvent pour des raisons réglementaires et suite à l’année 2022 qui a créé un « effet dénominateur » (le poids du non-coté ayant trop enflé face aux positions sur des actifs cotés du fait de leur forte dépréciation), et ainsi de profiter de décotes historiques sur la classe d’actifs d’environ 20 %. Pour cela, Flexstone Partners, avec qui nous travaillons déjà pour nos clients institutionnels, est en charge d’investir dans au moins une quinzaine de fonds avec une grande diversification tant géographique (50 % France, 30 % Europe du Nord et 20 % USA) que sectorielle. S’agissant d’un fonds de secondaire, sa courbe en J sera réduite, voire neutralisée, et sa maturité cible (cinq ans) sera attractive.
A l’image de notre fonds Buy and Hold obligataire Rendement Sélection 2027, cette offre dont le dernier closing devrait avoir lieu en juin 2024 (à partir de 100 000 euros) s’inscrit dans notre volonté de proposer des solutions d’investissement adaptées au cycle de marchés, à côté de notre offre de services.
Quels sont vos objectifs à moyen terme ? D’ici trois ans, nous espérons atteindre les cinq milliards d’euros d’encours, avec une croissance aussi bien organique qu’externe. Nous le ferons de manière sereine sans rentrer dans une course idiote à l’échalote.