Commissions Pinel: un coup dur pour la profession

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Le Conseil constitutionnel a tranché: le plafonnement à 10 % des frais et commissions des intermédiaires dans le cadre d’un achat Pinel est bel et bien constitutionnel*. Jean-Jacques Olivié, président de l’Anacofi-Immo, revient sur cette surprenante décision.

Investissement Conseils: Pouvez-vous nous rappeler la genèse de la polémique ?
Jean-Jacques Olivié: Tout a démarré à quelques jours de Noël, en décembre 2017. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, le sénateur Albéric de Montgolfier (LR) a présenté un amendement visant à plafonner par décret la rémunération des distributeurs d’immobilier Pinel pour éviter les abus. S’il est parfaitement louable de lutter contre les exagérations, le Pinel ne semble pourtant pas concerné par les excès qui ont pu entacher de plus anciens dispositifs. Il n’empêche que, sans qu’aucune concertation préalable n’ait eu lieu sur cette question avec la profession, sans qu’aucun débat ne se soit élevé dans l’Hémicycle, le texte a été voté. Lorsque les premières voix se sont fait entendre, il était trop tard, la loi était votée [désormais au paragraphe X bis de l’article 199 novovicies du CGI, ndlr].
Le décret d’application a mis deux ans à sortir, entravé par les réactions des professionnels et l’embarras des instances publiques. Nous avons confié une étude au cabinet Primeview sur l’impact d’un tel dispositif et récupéré des datas sur vingtdeux mille logements, en provenance à la fois des promoteurs et des distributeurs. L’étude a démontré de façon factuelle qu’il n’y avait pas d’abus dans le cadre de la loi Pinel, que le dispositif était assez mature, mais qu’à l’inverse, introduire un plafonnement des honoraires risquait de déstabiliser son écosystème, faire chuter le nombre de logements vendus, faire monter les prix, impacter l’emploi et augmenter les inégalités territoriales. Le 22 décembre 2019, le décret a finalement été publié, plafonnant la rémunération des distributeurs d’immobilier Pinel à 10 % du prix de revient.

A quoi correspond ce taux de rémunération ?
J.-J. O. Il comprend à la fois les honoraires des distributeurs et tous les frais de marketing. Un taux de 10 % est donc finalement assez bas pour couvrir l’ensemble de ces coûts. Il y a une différence fondamentale entre l’immobilier neuf et ancien.
Dans l’ancien, les honoraires de distribution sont calculés sur un pourcentage du prix de vente, auquel ils se rajoutent. Dans le neuf, les honoraires et les frais de marketing sont inclus dans le prix de vente:le promoteur calcule son prix de revient, puis il alloue la part revenant au marketing et affecte un taux moyen de distribution, qui recouvre en fait plusieurs canaux différents auquel il attribue un poids inégal. Or dans la réalité, le prix de vente est le même pour tous, quel que soit le canal de distribution utilisé.

Que reprochez-vous concrètement au fameux « X bis »?
J.-J. O. L’un des points importants est de savoir si ce plafonnement peut réellement entraîner une baisse du prix de l’immobilier. Si ce n’est pas le cas, cela signifie que le dispositif ne profite pas à l’investisseur et que la différence va soit dans le prix du foncier, soit dans la marge du promoteur. Or tous les acteurs que nous avons rencontrés, professionnels comme pouvoirs publics, n’ont aucune illusion sur la baisse des prix. Et cela s’est d’ailleurs vérifié. Le plafonnement est donc un dispositif pris sur un ressenti dont les motifs n’ont jamais été ni démontrés, ni étayés. Nous sommes dans l’idéologie réglementaire.
Par ailleurs, le décret vient codifier un honoraire fixé par un promoteur pour un autre vendeur qui est un distributeur, donc un honoraire entre professionnels. Il s’agit, selon nous, d’une atteinte à la liberté d’entreprendre. De plus, seuls les intermédiaires sont concernés, pas les promoteurs qui commercialiseraient en direct. Une différence de traitement injustifiée! Il faut également comprendre que la commission vendeur est donnée au moment où le client signe l’acte authentique. Or l’option fiscale n’est prise par l’acquéreur qu’un an et demi après. Impossible donc de savoir, au jour de l’acte, si l’acquéreur ne va pas changer d’avis. Inversement, il peut acheter un bien dans l’optique d’une résidence principale et finalement décider de le passer en Pinel. L’intermédiaire va donc être contraint de plafonner ses frais et commissions pour l’ensemble des logements éligibles au Pinel, faute de quoi il pourrait être sanctionné sur un élément dont il n’a pas la maîtrise. Enfin, les notions de « prix de revient »et « frais et commissions directs et indirects »ne sont pas suffisamment précises. Par exemple, les frais de télémarketing ou de plaquette de vente entrent-ils dans les frais de fonctionnement? Tout dépendra de l’interprétation du notaire. Or c’est bien l’intermédiaire qui sera sanctionné. Nous sommes donc face à un vide juridique sidéral. Le Conseil national de la transaction et gestion immobilières (CNTGI) avait d’ailleurs rendu un avis négatif avant publication du décret.

Quelle a été votre action suite au décret ?
J.-J. O. Accompagnés de la Fnaim et de l’Afil, nous avons attaqué le décret devant le Conseil d’Etat et demandé une QPC, sur la base de trois arguments:le plafonnement constitue une atteinte à la liberté d’entreprendre, au principe d’égalité et au principe de la légalité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 15 octobre en réponse à la QPC. Malgré les arguments très étayés des avocats, il a rejeté nos demandes.
Sur le premier point, le Conseil constitutionnel invoque l’intérêt général, le plafonnement des commissions étant censé lutter contre le détournement de l’avantage fiscal lié au Pinel. Il faut se souvenir qu’on parlait de commissions de l’ordre de 12 %. On légifère donc pour deux pourcents d’écart seulement… Là où nous estimons qu’il y a disproportion, le Conseil constitutionnel considère que l’atteinte est proportionnée car les acquéreurs veulent une réduction d’impôt.
Sur le deuxième point, celui de l’égalité, nous mettions en avant le fait que les gros promoteurs ont des forces de distribution intégrées, alors que les plus petits externalisent leur force de vente. Ces derniers sont donc très impactés par le dispositif. L’argument a, là encore, été balayé très rapidement, au motif que, ces situations étant différentes, il est logique que le traitement ne soit pas le même pour tous… Sur le troisième point, le Conseil constitutionnel considère que le X bis de l’article 199 novovicies du CGI est suffisamment clair dans sa rédaction.
Les décisions rendues sont lapidaires, et surprenantes dans les motifs. Et elles n’éclairent en rien les textes dans leur applicabilité. Le Conseil constitutionnel semble avoir balayé le sujet d’un revers de main… C’est un réel coup dur pour la profession.

Y a-t-il encore des recours possibles ?
J.-J. O. Sur cette décision qui valide la loi, il n’y a pas de recours possible. Nous attendons maintenant la décision du Conseil d’Etat qui concernera cette fois le décret d’application. Ce sera l’occasion de revenir sur la notion de l’égalité devant la loi, en distinguant l’accédant de l’investisseur.

Quelles conséquences pour le marché de l’immobilier neuf ?
J.-J. O. Le plafonnement des commissions va à l’encontre des besoins et de la conjoncture actuelle. L’immobilier neuf se porte mal en 2020 et souffre de plus en plus, plombé par la Covid-19, le tour de vis des banques sur les modalités d’accès au crédit… Cela présage un début 2021 compliqué. Ce n’est donc vraiment pas le moment de venir freiner les producteurs et les distributeurs.
Même si le taux entériné n’est pas aussi bas que nous l’avons craint, il brime la flexibilité et pénalise particulièrement les opérateurs régionaux, investis dans les villes moyennes. De plus, les restrictions imposées au Pinel recentrent le dispositif sur les métropoles, avec pour conséquence une inflation des prix et une baisse de la demande. Or la concentration autour des métropoles est dangereuse:elle appauvrit le reste du territoire et donc une part très importante de la population. Il faut impérativement redoper les villes moyennes, avec des mises en réseau, des constructions, des réhabilitations… Ce qui implique de rediscuter du zonage Pinel à long terme. Car même si le dispositif a été reconduit pour deux ans, il est déjà à maturité. Il est donc temps de repartir des besoins pour établir une stratégie plus globale d’aménagement du territoire dans laquelle le Pinel a toute sa place. Le vrai combat à mener est celui des prix de l’immobilier et du foncier. Or un récent rapport de l’Anil a montré que l’immobilier neuf est capable de freiner l’envolée des prix dans l’ancien. Preuve que la réalité est loin des ressentis!

* Décision n° 2020–861 QPC du 15 octobre 2020.

 

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