L’immobilier demeure une valeur refuge

Les acteurs
Outils
TAILLE DU TEXTE

Inflation, hausse des taux d’intérêt, menace de récession et baisse des prix : le marché de l’immobilier traverse une crise qui met fin à des années de valorisation.
Le contexte géopolitique mondial et les politiques monétaires mises en place pour protéger les économies nationales bouleversent les équilibres et impactent, indirectement, les capacités d’investissement des particuliers comme des professionnels.
Guy Marty, fondateur de Pierrepapier.fr et président d’honneur de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (Ieif), livre son analyse sur la conjoncture et les opportunités de placement.

Limmobilier demeure unInvestissement Conseils : La parenthèse enchantée de l’immobilier s’est-elle refermée ?
Guy Marty : La période est bien évidemment bousculée. D’abord, par la crise Covid, puis la guerre en Ukraine et, aujourd’hui, le conflit au Moyen-Orient. Chacun à leur échelle, ces événements ont eu – ou auront – un lourd impact sur l’économie des pays en général, provoquant une hausse inédite de l’inflation et des taux d’intérêt.
Nous avons souvent tendance à considérer le contexte macroéconomique comme un vague fond d’écran, mais en réalité, ce sont des forces puissantes qui entrent en jeu et qui déstabilisent le marché de l’immobilier. Depuis des années, les taux bas avaient fait gagner en valeur tous les actifs. Mécaniquement, la remontée de ces taux devrait entraîner une dévalorisation de tous les actifs, y compris un jour la Bourse, telle que celle qui a déjà été observée sur les obligations à dix ans. L’inertie propre au marché de la pierre ralentit ce phénomène de reflux, mais il est engagé. Pour le logement, les mouvements sont lents car les vendeurs résistent à la baisse : par exemple, on le voit dans l’allongement des délais de vente.
En fait, il y a deux composantes dans le prix d’un actif immobilier. D’abord le rapport entre l’offre et la demande, qui reste positif en France pour le logement. Et ensuite la valeur en tant qu’actif, qui dépend des taux d’intérêt. C’est évidemment là que le bât blesse aujourd’hui.

Quel est l’impact de l’inflation sur la demande ?
En premier lieu, il y a la durée de cette inflation. On l’avait annoncée éphémère, puis transitoire, mais force est de constater qu’elle s’est installée pour longtemps. Quant aux taux d’intérêt qui grimpent avec l’inflation, malgré les cris de joie qu’a provoqué l’annonce par la BCE d’une pause dans leur remontée, ils n’ont pas non plus baissé et restent à des niveaux plus élevés que ce que le marché a connu ces quinze dernières années. Cette inflation, doublée de la hausse des taux d’emprunt, est un choc pour les particuliers comme pour les entreprises. On peut mettre l’attention sur l’immobilier, mais en réalité c’est toute l’économie qui doit s’ajuster.
Ensuite, il est un élément qui n’est pas, à mon sens, suffisamment regardé:le niveau de vie des Français, qui diminue. Or on n’a jamais vu le marché du logement bien se porter si le revenu des ménages est en berne, comme c’est le cas actuellement.

Peut-on anticiper une baisse de l’inflation ?
Il s’agit d’un sujet très délicat, dont tous les économistes parlent. La réponse à cette question est à la fois simple et brutale. Quand le monde connaît une situation de paix globale, l’inflation, comme les taux d’intérêt demeurent faibles. A contrario, les épisodes de guerre ou de tension provoquent un effet inflationniste et une hausse des taux d’intérêt. Ce phénomène se reproduit à chaque changement de contexte mondial.
Après la Première et la Deuxième Guerre mondiale, puis la chute du mur de Berlin, l’économie a retrouvé son calme. La période de 1989 à 2021 s’est déroulée sans antagonisme global, laissant un champ libre aux échanges économiques et à une mondialisation florissante, pas ou très peu d’inflation, taux d’intérêt faibles. Cet élan a été stoppé net par la crise sanitaire, puis par la guerre sur le front de l’Est ukrainien. A nouveau, nous sommes entrés dans une période d’antagonisme. Le conflit militaire a éclaté le 24 février 2022, suivi par le gel des avoirs de la Banque centrale russe, entraînant un basculement des équilibres mondiaux, avec des Brics qui officialisent le fait d’incarner un contrepoids aux pays occidentaux. Et maintenant le Moyen-Orient… En résumé, tant que la nouvelle dualité géoéconomique et les tensions géopolitiques ne se résoudront pas, l’inflation ne pourra pas s’arrêter. Une raison de plus de souhaiter la paix dans le monde !

Dans un tel contexte, fait-il encore bon investir dans la pierre ?
Sans perspective de croissance à court terme, voire dans un climat de récession ou de stagflation, mieux vaut se tourner vers les valeurs refuge. L’immobilier en fait partie, même si le marché tend à baisser. Il est vrai que, contrairement aux années 1970 où l’inflation était très élevée – jusqu’à 15 % en 1974 –, les prix de l’immobilier et les loyers ne suivent pas encore le rythme de l’inflation. En effet, il y a toujours un temps d’adaptation au début d’une nouvelle période inflationniste. Mais l’immobilier traverse finalement les crises, pour la raison simple qu’il répond à une nécessité fondamentale. Sans compter un phénomène psychologique:puisque tout le monde le considère comme une valeur refuge – d’autant plus en temps troublés –, il est soutenu et c’est une valeur refuge…

Les propriétaires doivent-ils s’inquiéter ?
Tout dépend pour quelles raisons l’on veut acheter. S’il s’agit d’un investissement locatif, l’important est de trouver un locataire capable de payer son loyer.
Pour les propriétaires qui s’interrogent sur la potentielle dévalorisation de leur patrimoine, ceux qui ont acheté leur bien avant 2021, au plus haut des prix immobiliers, mais au plus bas des taux d’emprunt, restent gagnants. Certes, ils ne réaliseront sans doute pas la plus-value espérée, mais ils vont s’enrichir par le crédit. Les mensualités de remboursement vont être dévorées par quelques années d’inflation.
C’est un retour à une expérience somme toute très française où le crédit est une source d’enrichissement pour les investisseurs immobiliers.

Que penser de la pierre-papier ?
C’est un élément de diversification essentiel. Beaucoup de questions se posent sur la valeur de la pierre-papier en ce moment. Mais rappelons-nous que, lors de la grande crise immobilière des années 1990, les SCPI, qui existaient déjà à l’époque, ont d’abord souffert, mais ont tout de même continué à distribuer du revenu, puis se sont rétablies. De plus, les sociétés de gestion ont travaillé leurs actifs immobiliers et les ont adaptés aux évolutions de la société. Il n’y a qu’à regarder comment les bureaux ont changé en trente ans ! Par la dimension des portefeuilles, la pierre papier – SCPI, OPCI, foncières cotées, Private Equity – offre la possibilité de concentrer des moyens sur quelques immeubles en particulier pour les moderniser et répondre, ainsi, aux nouveaux usages.
Dans un monde où tout change et s’accélère, l’on ne transige pas avec les usages. La mutualisation permet d’allier la qualité des actifs à la quantité des flux de trésorerie et de faire vivre les patrimoines immobiliers.
Face à l’imprévisible, aux changements réglementaires et aux mutations économiques, géographiques, politiques ou sociales, l’immobilier doit être vivant. Par ailleurs, on n’investit plus dans l’immobilier pour toucher une plus-value, mais pour le revenu. On parlait autrefois d’immobilier de rapport. Cette notion revient sur le devant de la scène, et s’imposera de plus en plus !

Articles sélectionnés pour vous

logo lbf