A compter du 1er avril prochain, la réforme du courtage (assurance et IOBSP) va entrer en vigueur en ne concernant, dans un premier temps, que les nouveaux entrants dans la profession.
Si le volume d’adhésions à traiter d’ici la fin de l’année s’annonce très important, les associations professionnelles affichent leur confiance dans la mise en place de ce nouveau dispositif qui n’aura que peu d’impact chez les CGP.
Les associations professionnelles sont dans les starting-blocks pour s’attaquer à la réforme du courtage des intermédiaires en assurance et opérations de banque et services de paiement. Néanmoins, le recours gracieux déposé par l’ANCDGP auprès du Premier ministre (cf.encadré) a jeté le trouble… Toujours est-il que les allers-retours sur leurs dossiers d’agrément avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) touchent à leur fin. Si l’obligation d’adhérer à une association professionnelle ne concerne que les nouveaux entrants jusqu’à la fin de l’année, elle sera valable pour l’ensemble des professionnels du secteur lors du prochain renouvellement des inscriptions à l’Orias. Et les volumes d’adhésion attendus sont de taille, autour de quarante mille entreprises seraient concernées pour l’assurance et dix mille pour l’IOBSP.
Des CGP peu concernés
Pour les conseils en gestion de patrimoine, aucune inquiétude à avoir selon Nicolas Ducros, secrétaire général de la CNCGP : « Pour les adhérents actuels, la réforme n’aura aucune incidence, les procédures CIF étant déjà les plus contraignantes, puisqu’elles concernent également le contrôle de leurs activités ». Julien Seraqui, président de la CNCGP, poursuit : « Nos adhérents CGP n’ont que peu d’interrogations vis-à-vis de la mise en place de ce nouveau dispositif. Etant déjà au sein d’une association agréée, il s’agit simplement pour eux d’une inscription administrative supplémentaire. »En revanche, chez les courtiers, quelques craintes sont à lever : « Nous recevons chaque jour des appels entrants de courtiers qui ont des interrogations au sujet de la réforme et des conditions d’inscription, poursuit Julien Seraqui. S’ils émettent quelques inquiétudes, nous sommes convaincus que, comme pour les CIF il y a vingt ans, il s’agit d’une évolution positive. Il peut s’agir de petits cabinets de courtage comme de grands réseaux ou des groupements de plusieurs centaines de courtiers. On s’aperçoit en effet que le monde des courtiers est encore plus hétérogène que celui des conseillers en gestion de patrimoine. »
Des associations plus ou moins ouvertes
Les associations professionnelles ayant été agréées pour le statut de CIF ont toutes fait le choix de devenir une association représentative des courtiers en assurance ou en crédit. Certaines ont fait le choix de limiter les adhésions à une certaine typologie de courtiers, tandis que d’autres accueillent à bras ouverts l’ensemble des professionnels concernés. C’est la CNCGP qui se veut la plus restrictive : « Nous sommes et resterons une association de professionnels de l’épargne, martèle Julien Seraqui, son président. Pour nos futurs adhérents et pour nos adhérents actuels, les échanges de compétences sont évidents entre eux qui sont plus des techniciens de l’assurance, notamment de la prévoyance, et nos adhérents davantage rompus aux techniques juridiques et fiscales et aux questions d’allocation d’actifs. Ces deux populations vont s’enrichir mutuellement au service du patrimoine de leurs clients. »A l’Anacofi, l’ouverture est plus large : « A l’Anacofi Courtage, nous avons choisi de privilégier les courtiers qui oeuvrent dans le domaine du patrimoine et/ou de l’entreprise, y compris via l’IARD par exemple », assure David Charlet, président de l’Anacofi. A l’inverse, à la Compagnie des CGP (la Compagnie IAS et la Compagnie IOBSP) et à la CNCEF (CNCEF Assurance et CNCEF Crédit), l’ouverture est totale. « Notre association professionnelle a vocation à accueillir l’ensemble des professionnels du courtage, avec la création de différents collèges pour pouvoir répondre à chacune des spécialités de l’assurance : vie, IARD, grossistes, affinitaires, conseils et comparateurs », souligne Stéphane Fantuz, président de la CNCEF Assurance.
« Intégrer des professionnels d’horizons différents va permettre de mettre en place des synergies pour permettre à nos adhérents de développer de nouvelles compétences, expose pour sa part Philippe Feuille, président de la Compagnie des CGP. Ce sera le reflet de nos conseils d’administration où sont réunies des personnes aux profils divers. »A la CNCEF Crédit, l’initiative est similaire : « Dans notre conseil d’administration, nous avons veillé à ce que chaque typologie d’intermédiaire soit représentée : crédit aux entreprises, aux institutionnels, regroupement de crédit, patrimonial, services de paiement et immobilier, rappelle Christelle Molin-Mabille, présidente de la CNCEF Crédit depuis 2018. La réforme va permettre d’enfin répertorier les professionnels de l’intermédiation et de pouvoir travailler sur la valorisation de la profession, notamment la notion de mandat de recherche de financement qui ne nécessite pas de disposer de convention avec les banques. La réforme va aussi permettre de rouvrir le dialogue avec les autorités de tutelle et les partenaires bancaires avec qui les relations peuvent parfois se tendre. Enfin, cette réforme va renforcer la bonne conformité de chaque professionnel et leur formation. »
Un rôle déjà bien maîtrisé
S’agissant de leur rôle auprès de l’ACPR, les associations fortes de leur expérience en tant qu’association de CIF se veulent confiantes. Toutefois, il existe des différences d’approche entre l’ACPR et l’AMF. « Les exigences de l’ACPR diffèrent quelque peu de celles de l’AMF. Notre offre de services existe depuis de nombreuses années déjà avec une plate-forme de formation, un guide et un service juridique, un kit réglementaire ou encore un portail de conformité. Le volume de travail s’annonce élevé puisque nous allons devoir suivre le bon respect des obligations de formation par les adhérents et leur personnel. Ce sont donc plusieurs milliers de personnes qui vont entrer sous notre surveillance puisque le monde du courtage se compose de plusieurs dizaines de milliers d’entreprises ! », note David Charlet A la CNCEF Assurance, le discours est également positif. « Nous sommes en ordre de marche depuis un an et demi, assure Stéphane Fantuz. En effet, la CNCEF Assurance a été créée en octobre 2019, et plus d’un millier de courtiers a déjà rejoint nos rangs, dont la moitié était déjà adhérente de la CNCEF. Cette arrivée d’adhérents vient concrétiser le tour de France que nous avons réalisé pour exposer notre démarche et faire la pédagogie de la réforme du courtage. Nous allons le poursuivre, notamment par une promotion cette fois plus digitalisée. S’agissant de nos services, nous nous attachons, bien sûr, à remplir les cinq grandes obligations qui nous sont conférées : un service de médiation, la vérification des conditions d’accès et d’exercice de leur activité, ainsi que leur respect des exigences professionnelles et organisationnelles, et un service d’accompagnement et d’observation de l’activité et des pratiques professionnelles, notamment par la collecte de données statistiques. Parallèlement, nous proposons des kits documentaires pour les accompagner sur la mise en conformité de leur cabinet, une plate-forme de formation métier, quel que soit le niveau d’expertise, mais aussi une équipe de permanents dédiée. »
Vers une ruée de demandes d’adhésion en fin d’année
Actuellement, le rythme des demandes d’adhésion se veut régulier chez l’ensemble des associations professionnelles, mais toutes redoutent un emballement, d’ici la fin de l’année. « Les rappels réguliers de l’Orias concernant l’entrée en vigueur de la réforme nous apportent des sursauts des demandes d’adhésion. Nous espérons que nous pourrons éviter l’embouteillage de la fin d’année », note Christelle Molin-Mabille. L’Anacofi enregistre« un flux important d’adhésions : autour de cent-vingt par mois depuis le début de l’année, quand, sur un rythme normal, nous en recevons trente à soixante. Et nous ne sommes qu’en début d’année… », précise David Charlet.
A la Compagnie des CGP, le rush des adhésions est anticipé : « Nous ne sommes qu’au début des adhésions des intermédiaires, indique Philippe Feuille. Nous avons continué à développer notre outil informatique déjà très pointu, afin de pourvoir répondre dès à présent aux demandes d’adhésion en donnant des conseils personnalisés. Ceci permet d’accueillir ces nouveaux adhérents dans de bonnes conditions en leur permettant de respecter les dates de mise en conformité. Depuis le début, nous sommes prêts pour la mise en oeuvre de cette réforme, via la création d’associations fédérées au sein de la Compagnie des CGP, et nous sommes en mesure de leur apporter des services en termes de conformité, d’organisation et de formation. »Que les courtiers soient rassurés, les associations professionnelles sont bel et bien prêtes pour la mise en place de la réforme !
Un recours gracieux déposé par l’ANCDGP
L’Association nationale des conseils en gestion de patrimoine (ANCDGP) a déposé un recours gracieux auprès du Premier ministre visant à l’abrogation du décret de mise en oeuvre de la réforme du courtage à compter du 1er avril prochain pour les nouveaux entrants dans ces professions, et à partir du 1er janvier 2023 pour les professionnels en exercice. Selon l’association, la réforme serait, en effet, contraireà l’article 12 de la directive sur la distribution d’assurance (DDA) selon laquelle les intermédiaires d’assurance ne peuvent être contrôlés par des associations dont les membres comprennent directement ou indirectement des intermédiaires d’assurance ou de réassurance. Par ailleurs, l’association, présidée par Philippe Loizelet, observe qu’il y a discrimination à rebours, puisque les intermédiaires français se voient imposer un traitement moins favorable (l’obligation d’adhérer à une association, alors qu’ils sont déjà soumis aux contrôles de l’Orias et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) que les ressortissants des autres Etats membres exerçant en France au titre de la libre prestation de service ou de la liberté d’établissement.
Une inégalité de traitement par rapport aux agents généraux, exclus du dispositif et qui peuvent exercer le courtage de manière accessoire, est également avancée par l’association des diplômés. Autre élément, la possibilité donnée aux associations agréées d’un pouvoir de contrôle sur pièces et disciplinaire sur leurs membres (jusqu’à la radiation et, donc, l’interdiction d’exercice). L’association relève que cette faculté empiète sur les prérogatives de l’ACPR et est contraire à l’article 12 de la directive, il y a surtransposition. « Nous estimons que le texte est assez “fragile”, avec des dispositions contraires à la Constitution et aux directives européennes, s’insurge Philippe Loizelet. Les sources de contentieux sont importantes et les répercussions financières devront être assumées par les seules associations professionnelles. Ces insécurités juridiques devraient, selon nous, être purgées avant l’entrée en vigueur de la réforme, ce qui explique notre recours gracieux auprès du Premier ministre, voire une saisine prochaine du Conseil d’Etat. »
« Une réforme bénéfique »
Morgane Hanvic, avocate au sein du cabinet Lexance Avocat AAR-PI, nous livre son point de vue sur la réforme : « Cette réforme est globalement bénéfique pour les courtiers, comme a pu l’être celle du CIF. Pour les associations professionnelles, qui avaient déjà un rôle important, cette réforme va leur demander beaucoup de travail de vérification tant le nombre de personnes à contrôler est important. Pour les courtiers, on risque d’observer une dichotomie entre les grosses et petites structures pour absorber ces changements. Je pense, notamment, au démarchage téléphonique, dont l’enregistrement des conversations sera difficile à mettre en place chez les courtiers de taille réduite. Toujours est-il qu’il s’agit d’un vrai passage de relais entre l’ACPR et les associations. Si le pouvoir de sanction reste à la main de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les associations pourront retirer l’adhésion d’un de leurs membres qui ne respecterait pas les conditions d’adhésions, comme la capacité professionnelle ou la détention d’un contrat d’assurance RCP. »