Rares sont les entités comme Nortia à proposer aux CGP une offre plurielle et évolutive en épargne-prévoyance. Rencontre avec Philippe Parguey, son directeur général.
Investissement Conseils : Pouvez-vous nous rappeler comment s’organise votre activité avec les CGP ?
Philippe Parguey : Nortia est une marketplace pour les CGP, leur proposant différentes solutions financières. Nous intervenons avec plusieurs acteurs de la finance. L’assurance-vie reste notre métier de base, ayant représenté en 2021 près de la moitié de notre collecte de 1,16 milliard d’euros. Nous avons les offres de cinq assureurs français et de deux luxembourgeois en portefeuille. L’épargne-retraite est bien en marche, avec trois produits différents, dans la continuité de l’assurance-vie. En parallèle, nous avons développé plusieurs axes ces dernières années. Notre offre compte-titres fonctionne désormais très bien, avec plus de 550 millions collectés en 2021. Nous avons aussi développé l’immobilier avec les SCPI et un volet de prévoyance patrimoniale. Notre gamme est donc quasi-complète, avec encore quelques briques à poser, je pense au Private Equity notamment. Un CGP qui travaille avec Nortia a à sa disposition l’essentiel des solutions pour répondre aux demandes et besoins de ses clients. Il profitera aussi de l’expérience de notre entreprise, présente depuis trente ans sur ce marché. Pour le CGP, avoir Nortia dans son offre est un atout important.
Combien de CGP travaillent aujourd’hui avec Nortia ?
Nous avons deux mille quatre cents conventions signées avec des cabinets. La moitié sont des CGP actifs, dont un bon tiers que nous pourrions qualifier d’hyper-actifs.
Parlons de l’Observatoire du conseil financier indépendant de Nortia créé il y a quatre ans. Quel est l’objectif poursuivi ?
Il est double. D’une part, il s’agit de mettre en avant le métier de CGP, encore méconnu du grand public. Leur part sur le marché de l’épargne reste comprise entre 7 et 10 %, c’est encore trop peu au regard des compétences de cette profession. D’autre part, il s’agit de mieux savoir ce que font les CGP quant aux choix d’allocations d’actifs et comment ils appréhendent les évolutions de l’environnement. Dans l’Observatoire, nous analysons tous les flux de collecte et les mouvements d’arbitrage de nos CGP et nous interviewons directement des conseillers en ges-tion de patrimoine pour décrypter les tendances. Avec plus de 9 milliards d’euros gérés en assurance-vie et 2 milliards en compte-titres, nous avons une masse à étudier significative, donc représentative de ce segment de marché. Ce panorama est toujours riche d’enseignements. Ainsi sur le troisième trimestre de 2022, nous constatons que malgré des marchés financiers en berne, l’écart entre fonds euros et unités de compte (UC) se creuse, avec une tendance claire vers les unités de compte qui restent plébiscitées dans les allocations en assurance-vie.
Que vous inspire la situation actuelle du marché de l’épargne ? Quelles évolutions anticipez-vous ?
De toute évidence, nous observons une vraie position d’attente. Dans un contexte de forte inflation et de hausse des taux, une situation double non connue depuis une quarantaine d’années, la principale inquiétude des épargnants est de sauvegarder leur épargne.
C’est le message largement majoritaire qui remonte du terrain. Il faut donc s’adapter. D’abord, en trouvant des placements qui absorbent l’inflation, au moins en partie. C’est le cas de l’immobilier à travers la pierre-papier, ce qui explique l’appétence forte pour ce type d’actif. Ensuite, en comprenant qu’avec la hausse des taux, les placements garantis ne sont pas ou plus adaptés. Il faut donc aller chercher des solutions alternatives.
Lesquelles ?
Au préalable, précisons que le fonds en euros de l’assurance-vie n’est pas mort, mais qu’il va vivre une révolution dans le futur avec la création de nouveaux fonds en euros pour profiter de la hausse des taux, quand d’autres seront fermés. Aujourd’hui, le fonds en euros est utilisé comme un support d’attente dans les allocations des CGP. Et même si les rendements servis vont remonter cette année, sans doute d’au moins cinquante centimes avec l’utilisation des réserves par les compagnies, ce sera loin de couvrir l’inflation. Il va falloir du temps pour que les fonds en euros soient à nouveau compétitifs. Pour gérer les capitaux de leurs clients, les CGP se tournent majoritairement vers les UC, mais là aussi, il faut affiner l’analyse. Les UC actions représentent finalement une part faible dans la collecte.
Ce sont logiquement les UC immobilières et les produits structurés qui se taillent la part du lion, avec de manière moins prononcée des fonds mixtes et des solutions de gestion alternative. Il faut aussi profiter des opportunités. Les obligations datées ou à échéance qu’on retrouve dans certaines UC sont une piste très intéressante en ce moment. On peut aujourd’hui récupérer des rendements actuariels de 6 à 8 % avec des échéances à six ou sept ans. Certes, le capital n’est pas garanti, mais le risque est mesuré pour un rendement élevé.
Un mot sur le Private Equity. Vous y croyez ?
Oui, c’est une classe d’actifs très intéressante. On y trouve de belles rentabilités. Nous avons déjà des solutions dans nos assurances-vie, également dans le compte-titres. Mais pour des produits de long terme, payer un coût de détention annuel doit être mesuré, d’où notre idée d’en faire aussi en direct. Nous aurons une attention particulière à la qualité de gestion enfin d’écarter les mauvaises surprises ! Il faut se montrer très sélectifs sur les produits qu’on achète. Chez Nortia, nous analysons toute offre en non-coté par notre pôle d’ingénierie financière.
Nortia est aussi présent sur le terrain de l’épargne-retraite. Pour quel bilan ?
Très bon. Le PER est un bel outil, certes complexe dans son fonctionnement pur, mais qui trouve toute sa place dans les stratégies de gestion patrimoniale. En ayant fait sauter le verrou de la rente, dont les Français ne veulent pas, les pouvoirs publics ont changé la donne. Le succès du PER est au rendez-vous. Intéressant pour se préparer un complément de retraite, ce produit s’intègre aussi dans la gestion patrimoniale au sens large. Il peut ainsi être utilisé pour les mineurs. Les parents profitent alors du disponible fiscal de l’enfant, donc d’une baisse d’impôt, et dans le même temps, l’argent est bloqué même une fois l’enfant devenu majeur. Il pourra l’utiliser pour acheter sa résidence principale, souvent avec une fiscalité en sortie moindre à cet âge-là. Les retraités peuvent aussi y trouver de l’intérêt dans une optique de transmission. Nous avons trois PER d’assureurs différents à proposer aux CGP, tous complémentaires. Avec cette offre, nous couvrons ainsi toutes les situations. Nous réfléchissons toutefois à proposer en plus un PER bancaire, pour disposer d’une gamme vraiment complète sur ce terrain. Ce serait un nouveau point de démarcation, car l’offre en PER bancaire est aujourd’hui pauvre et sans relief.
Dernière brique de votre activité, le marché de la prévoyance. Comment évolue-t-il ?
Trop lentement. La prévoyance est pourtant un des piliers du métier de tout CGP, avec une logique de protection familiale ou professionnelle qui devrait passer avant toute autre considération. De manière générale, le CGP se consacre aux aspects juridiques et financiers des patrimoines pour y gérer des actifs.
Beaucoup de CGP sont conscients de cet écueil, mais ne savent pas vraiment comment le contourner. La solution serait d’avoir au sein de chaque cabinet une personne dédiée à mettre de la prévoyance dans tous les dossiers clients, ce qui est difficile car très coûteux en temps. L’organisation mise en place permet d’accompagner les CGP sur cette dimension, sans pour autant avoir à créer un pôle en interne. Là aussi, nous avons une offre plurielle, puisque nous travaillons avec trois compagnies d’assurances, ce qui nous permet de répondre à nombre de problématiques.
Quels sont vos axes de développement pour 2023 ?
Citons deux points. Un, nous allons poursuivre le développement de « Nortia incubateur ». Beaucoup de gens veulent s’installer en tant que CGP, par exemple des banquiers qui hésitent à se lancer, et notre idée est de les aider à mettre le pied à l’étrier par des aides juridico-réglementaires, par l’étude de leurs projets, par des formations, etc. Nous agissons sans aucune prise de participation financière, mais dans le but de voir grandir cette profession et d’en avoir la reconnaissance dans le futur. Une quarantaine de personnes nous contactent chaque année pour s’installer, ce n’est pas anodin et prouve que ce métier a de l’avenir. Deuxième axe pour 2023, nous souhaitons développer une offre dans les cryptomonnaies. Les CGP doivent s’y intéresser, mais il faut leur apporter les outils pour s’y mettre. Notre idée est de faire un pont entre l’économie traditionnelle et celle des blockchains. Nous allons travailler avec Coinhouse, un acteur expert sur ce terrain.
Quel message pour les CGP dans cette période chaotique ?
D’abord leur dire que nous sommes toujours à leurs côtés, avec une offre et une expertise puissantes. Ensuite, que les périodes compliquées sont source d’opportunités, y compris pour ceux qui veulent s’installer dans la profession. Ainsi la hausse des taux met en avant les obligations datées, avec un rapport risque-rendement très bon. Ce sont aussi dans les périodes compliquées qu’on fait les clients les plus reconnaissants. L’important est de rester clairvoyant dans ses décisions et ses conseils.