Les données économiques continuent de justifier la vigilance des Banques centrales à l’égard de l’inflation et devraient conduire au maintien de taux élevés pendant un certain temps encore, même si la phase de resserrement monétaire semble toucher à sa fin. Cela profite aux investisseurs qui recherchent du rendement sur les marchés monétaires et obligataires.
Sur le plan économique, les Etats-Unis ont dépassé toutes les attentes en matière de croissance depuis le début de l’année. Les données économiques indiquent une activité toujours bien orientée. De plus, les comptes révisés de la comptabilité nationale suggèrent une solidité accrue tant pour les entreprises que pour les particuliers.
Les résultats des entreprises ont été revus à la hausse malgré les hausses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine depuis mars 2022, la charge d’intérêts pour les entreprises américaines en pourcentage de leurs revenus est la plus basse depuis le milieu des années 1960, à 1,8 % du chiffre d’affaires.
Vers un atterrissage en douceur ?
Du côté des ménages, l’épargne excédentaire à la fin d’août serait d’environ 1 000 milliards de dollars [près de 950 milliards d’euros, ndlr], au lieu de 600 milliards de dollars [plus de 569 milliards d’euros, ndlr] ; son utilisation future reste incertaine, mais elle représente néanmoins un matelas financier solide pour l’économie.
La Fed a pris acte de cette résilience et a relevé ses prévisions de croissance pour cette année et l’année prochaine lors de sa réunion de septembre, les portant respectivement à 2,1 % et 1,5 % en glissement annuel sur le quatrième trimestre.
Outre un ralentissement conjoncturel qui n’est pas encore survenu, il existe trois risques ponctuels pour la croissance d’ici la fin de l’année. Le premier concerne la possible fermeture totale ou partielle du gouvernement fédéral (« shutdown »). Le deuxième est la grève dans le secteur automobile, dont l’impact dépendra de sa durée et de son ampleur. Le dernier concerne la reprise du remboursement des prêts étudiants, qui pourrait avoir un impact inégal selon les catégories de revenus, mais qui devrait être atténué par l’utilisation de l’épargne excédentaire, notamment pour les ménages les plus aisés.
En ce qui concerne les prix, la tendance désinflationniste se poursuit, même si l’augmentation du prix du pétrole (et donc des prix de l’essence) pourrait faire grimper l’inflation américaine totale de 3,7 % à environ 4,5 % en fin d’année. Cela est un facteur de vigilance; mais pour l’instant, il ne semble pas remettre en question le retour progressif de l’inflation vers les 2 % fin 2024.
La zone euro en route vers la désinflation
La divergence économique avec la zone euro est manifeste, une zone qui en moyenne pourrait être en contraction au troisième trimestre. Cependant, selon les enquêtes de la Commission européenne et les indices des directeurs d’achat (PMI), la situation ne se détériore plus, en particulier en Allemagne.
En septembre, l’inflation baisse plus que prévu, y compris l’inflation sous-jacente, ce qui est une bonne nouvelle. L’inflation totale s’établit à 4,3 % sur un an (après 5,2 % en août), et l’inflation sous-jacente à 4,5 % (après 5,3 %). Cette baisse s’explique à la fois par des effets de base importants sur les prix de l’énergie et des services de transport, notamment en provenance d’Allemagne, ainsi que par un ralentissement des hausses de prix des biens manufacturés et des services.
Bien que les risques en zone euro demeurent orientés à la baisse, la désinflation est encourageante pour le pouvoir d’achat des ménages, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une poursuite du rattrapage des salaires.
Les politiques monétaires de la Fed et de la BCE
Les données économiques continuent de justifier la vigilance des banques centrales à l’égard de l’inflation. La Banque centrale européenne a ainsi monté ses taux directeurs de 25 points de base en septembre, une dixième hausse consécutive qui porte le taux de dépôts à 4 %. Un record pour l’institution européenne. La BCE doit ramener l’inflation à 2,0 %, contre 4,3 % estimé pour septembre, tout en s’assurant de ne pas faire dérailler l’économie. Un numéro d’équilibriste particulièrement difficile, surtout lorsque les prix du pétrole s’en mêlent. Il est bien trop tôt, selon nous, pour prendre en considération une éventuelle réduction des taux directeurs lors des réunions de politique monétaire.
Du côté de la Réserve fédérale américaine, la plupart des gouverneurs estiment qu’une dernière hausse des taux serait appropriée d’ici la fin de l’année. Notre vue demeure inchangée:les taux directeurs resteront élevés pour une période prolongée. Les banquiers centraux ont parlé et le « high for long » (des taux courts élevés pour une période prolongée) a été intégré par les marchés, non seulement pour 2024, mais également pour les années suivantes.
Les marchés de taux à privilégier
Les courbes anticipent désormais des taux courts plus élevés sur le moyen terme. Si les données sur l’inflation, cœur notamment, sont bien orientées, avec en particulier un dernier chiffre européen qui doit satisfaire la BCE, la résilience surprise de la croissance aux Etats-Unis impacte les primes de terme significativement.
Nous avons intégré ces anticipations en relevant nos cibles moyen terme de taux d’intérêt à 10 ans à 2,75 %, 3,25 % et 4,25 % pour les 10 ans allemand, français et américain. Nous pensons néanmoins que les niveaux actuels, en partie alimentés par la hausse des prix de l’énergie, constituent des opportunités d’achat dans la mesure où le ralentissement économique attendu, en particulier aux Etats-Unis, n’est que décalé dans le temps et devrait intervenir au premier semestre 2024.
En dépit de la hausse des taux longs et d’un T-Note autour des 4,60 %, ou encore un Bund proche de 2,90 %, nous restons positifs sur les actifs obligataires. Les perspectives de hausse nous semblent limitées, compte-tenu des risques de dégradation sur le momentum macroéconomique.
Le marché monétaire est le segment qui garde notre préférence avec un rapport rendement/risque que nous jugeons attractif. Le crédit High Yield (haut rendement), du fait de son portage élevé, offre une marge particulièrement intéressante qui a confirmé son utilité en septembre, notamment en permettant une performance positive de la classe d’actifs dans un contexte de remontée des taux.
Nous privilégions les meilleures notations du compartiment haut rendement, alors que les entreprises aux profils les plus fragiles devraient souffrir à terme de coûts de financement plus élevés et du ralentissement économique.
Enfin, le crédit Investment Grade sur des maturités courtes nous semble également intéressant, étant donnée la courbe des taux relativement plate.
Prudence sur les marchés actions Les marchés actions
sont actuellement pris en tenaille entre des taux d’intérêt à court et long terme plus élevés qu’anticipé il y a quelques semaines à peine, et des craintes sur la capacité des entreprises à préserver leurs marges dans un environnement de croissance mondiale plus faible. Les marchés actions ont d’ailleurs marqué le pas pour le deuxième mois consécutif en septembre, actant ainsi la hausse des taux d’intérêt.
La tension sur les taux agit défavorablement pour deux raisons. Premièrement parce qu’elle augmente de facto le coût de financement des entreprises, notamment celles qui ont recours à l’emprunt pour financer leur croissance, deuxièmement parce que les marchés de taux offrent une réelle alternative aux marchés actions, ce qui n’était pas le cas au cours des dernières années.
C’est dans ce contexte que nous préférons maintenir le biais défensif adopté depuis début février, mais nous pensons que les niveaux de re-sensibilisation des portefeuilles approchent. Une probable révision à la baisse des espérances de bénéfices pour l’année à venir en lien avec le ralentissement économique ne nous semble toutefois pas intégrée à ce stade par les marchés financiers.
Dans ce contexte, le marché américain serait, selon nous, plus impacté que le marché européen, qui souffre davantage des taux plus élevés dans la mesure où il est plus fourni en valeurs de croissance et pâtit de la vigueur du dollar.
Eric Bertrand,
directeur général délégué,
directeur des gestions, Ofi Invest
Achevé de rédiger le 6 octobre.