Retour de l’inflation : quelle stratégie adopter ?

Dossiers
Outils
TAILLE DU TEXTE

Sans revenir sur les années 1920 en Allemagne, le dernier en date concerne la période de la fin des années 1960-début des années 1970, marquées par le double choc de l’augmentation de la dette fédérale américaine pour financer la guerre au Vietnam, suivie par l’envolée des prix du baril de pétrole durant les années 1970. De très mauvais souvenirs pour les investisseurs:l’indice Dow Jones, qui avait atteint le niveau de 1 000 points en 1966, n’a de nouveau dépassé significativement cette barre qu’en 1982, après l’adoption de mesures radicales de libéralisation économique et monétaire, justement pour sortir de la spirale inflationniste !

Comment interpréter les débats actuels sur le retour souhaité de l’inflation ?

Les Banques centrales contribuent à nourrir ce débat en maintenant des politiques de création monétaire massive et des cibles d’inflation de 2 % aux Etats-Unis et en zone euro qui peinent à être atteintes. Le sujet de l’inflation redevient donc un sujet d’actualité, ce qui contraste à première vue avec le sentiment plus ou moins diffus de se situer dans une sorte de « japonisation » de nos économies occidentales, c’est-à-dire d’une longue déflation. Mais en effet, il y a dans la période actuelle plusieurs éléments qui suggèrent une résurgence de l’inflation. A court terme, une reprise économique franche est attendue grâce aux campagnes de vaccinations, ce qui pousse à la hausse les cours des matières premières. Par ailleurs, la transition énergétique met la pression sur certaines expertises et induit des coûts en hausse pour les industriels, les semi-conducteurs sont de plus en plus recherchés du fait des progrès dans la connexion des objets, les coûts de transport sont affectés par la désorganisation du marché des containers issue des confinements, et les plans de relance risquent d’accroître ces situations de surchauffe.

A long terme, les politiques monétaires menées récemment par les grands pays suscitent l’étonnement et surtout des craintes. Cette création monétaire massive née de l’expansion des bilans de toutes les grandes Banques centrales dans le monde pose la question fondamentale de la valorisation des monnaies par rapport aux actifs réels, question qui est légitimée par l’envolée des cryptomonnaies, et notamment du Bitcoin. Par ailleurs, des situations de « guerres commerciales » plus marquées, de relocalisations des lieux de production sont également susceptibles à moyen/long terme de renchérir le prix des biens et donc de favoriser la hausse des prix. Ajoutons enfin que les gouvernements, dans l’ensemble tous très endettés, ont intérêt à ce que l’inflation remonte, ce qui créerait des conditions plus favorables pour réduire le ratio dette/PIB. Désormais, il semble que nous aurons le choix entre faible croissance et faible inflation, ou forte croissance et hausse naturelle des taux, ou stagflation ? Dans ces conditions, la période actuelle de forte reprise économique et de maintien des taux d’intérêt à de faibles niveaux semble une exception à « contrat à durée déterminée ».

Quelle est la réalité du moment ?

Plusieurs observateurs jugent que les mesures actuelles d’inflation ne sont pas pertinentes car nous sommes déjà dans une situation d’inflation sur certains secteurs: l’immobilier et les coûts de construction, les actifs financiers… C’est une réalité. Mais, en attendant, étudions les indicateurs « officiels » dont nous disposons et qui servent de référence pour la conduite des politiques monétaires.

Les dernières statistiques pointent pour une reprise significative des taux d’inflation à partir d’un niveau très bas induit par la crise de la Covid-19. Ceci peut être interprété comme une nouvelle qui va dans le sens de ce qui est souhaité par les Banques centrales pour se rapprocher de leur objectif de 2 % (Fed et BCE). Mais, pour l’instant, et comme l’inflation est souvent observée sur des périodes de douze mois glissants, il s’agit principalement d’une forme de rattrapage par rapport à une situation très particulière de l’année dernière. Aujourd’hui, nous assistons ainsi à une remontée des indicateurs, mais pas encore d’emballement. Les prochains effets de base vont donc accentuer cette reprise. L’inflation accélère en raison du redémarrage de l’économie. Les prix du pétrole ont significativement remonté depuis un an et le caractère désinflationniste de la crise sanitaire sur les prix de certains services va s’estomper, dans un contexte de tension sur les coûts des entreprises.

Dans la zone euro, l’inflation a brutalement rebondi au mois de janvier, pour revenir au plus haut depuis le mois de février dernier. Alors que l’indice des prix à la consommation de la zone euro était en recul sur douze mois depuis août, il s’est affiché en hausse de 0,9 % le mois dernier. Certes, ce rebond reste modéré et l’inflation affichée est encore beaucoup trop faible pour effacer les craintes de déflation. Elle est notamment très inférieure, encore, à l’objectif de 2 % défini comme le rythme de croissance de cet indice qui correspond à la stabilité des prix.

Un risque d’emballement à court terme ?

Mais de part et d’autre de l’Atlantique, nous sommes loin d’une situation de plein-emploi, ce qui éloigne tout de même sérieusement le risque d’une spirale prix/salaires à court terme, ce que soulignent régulièrement la Fed et la BCE. En conséquence, il est clair qu’il y a un petit risque d’emballement à court terme des indices de prix, surtout aux Etats-Unis où l’inflation pourrait se situer pendant quelques mois autour de 3 %, scénario qui a déjà été envisagé par la Fed, et qui a indiqué qu’elle n’interviendrait pas. En zone Euro, nous sommes encore loin de l’objectif de 2 %

… A plus long terme, il est encore trop tôt pour comprendre l’impact futur des politiques monétaires menées actuellement. Nous pouvons juste constater simplement que la valeur intrinsèque des monnaies devrait logiquement baisser par rapport aux prix des biens physiques, avec des ordres de grandeur qui seraient proportionnels à l’expansion monétaire consécutive à l’expansion des bilans des Banques centrales. De ce point de vue, les principales monnaies devraient perdre de l’ordre de 25 à 30 % par rapport aux prix des biens réels. A plus long terme également, les forces déflationnistes ne semblent pas « mortes »!

La globalisation et l’interconnexion croissante des économies depuis près de trente ans, et surtout depuis l’entrée de la Chine dans l’OMS, a permis une baisse générale du prix des biens industriels, qui a profité dans l’ensemble aux consommateurs. Concernant, les gains de productivité induits par la numérisation et le progrès technologique, il est très difficile d’estimer ces facteurs, mais nous comprenons bien que l’accélération observée récemment est de nature à encore accentuer cette tendance.

L’épineuse question de la démographie

La vitalité démographique est un élément clé de la croissance et par conséquent, de l’évolution des pressions inflationnistes par un soutien de la demande. De ce point de vue, la situation est critique aux Etats-Unis et en Europe, comme en Chine, ce qui rappelle une nouvelle fois la situation du Japon.

Dans ce contexte délicat sur les perspectives d’inflation, les Banques centrales sont sous pression: leurs politiques de création monétaire massive assorties de taux d’intérêt très bas commencent à inquiéter les marchés obligataires. Les taux remontent donc un peu plus franchement ces dernières semaines, ce qui crée un surcroît de volatilité sur les marchés actions et provoque de fortes rotations sectorielles. Pour l’instant, la Fed et la BCE considèrent qu’il est encore beaucoup trop tôt pour normaliser les politiques monétaires car nous sommes loin d’être dans une situation économique satisfaisante, notamment du point de vue de l’emploi. Mais les marchés peinent à leur faire confiance semble-t-il. Les actifs obligataires pourraient rester sous pression et il vaut mieux les éviter pour le moment, et il nous semble encore trop tôt pour y revenir plus franchement.

Concernant les marchés actions, le rétablissement des bénéfices qui aura lieu cette année avec la reprise généralisée des économies a déjà été largement anticipé par les marchés ces derniers mois. Une pause pourrait être observée. A l’intérieur des indices, les valeurs financières et plus cycliques, et généralement le style value, bénéficient de la réouverture attendue des économies et de la remontée des taux d’intérêt. Inversement, les valeurs de croissance, et notamment les valeurs technologiques, qui étaient devenues assez chères en termes de valorisation, sont pénalisées par la situation sur les taux. Il convient donc de réduire les positions actions afin d’être en situation plus confortable pour réinvestir durant les phases de volatilité accrue qui pourraient se produire au cours des prochaines semaines. Enfin, nous pensons que l’or mérite d’être représenté dans les portefeuilles. Il a rebaissé ces dernières semaines et permet de couvrir un scénario de baisse de la valeur intrinsèque des monnaies et/ou de risque de remontée éventuelle plus structurelle de l’inflation.

Une reprise économique franche est attendue grâce à la vaccination, ce qui pousse à la hausse les cours des matières premières.

Il est encore trop tôt pour comprendre l’impact futur des politiques monétaires menées actuellement.

 

Articles sélectionnés pour vous

logo lbf