Confiante dans l’évolution du marché immobilier, BNP Paribas REIM France maintient sa stratégie d’allocation vers un portefeuille d’actifs diversifiés et résilients qui ont su résister à la crise. La société de gestion entend intensifier son travail de valorisation de son patrimoine, tout en profitant des nouvelles opportunités qui apparaîtront après une phase de correction des taux de rendement. Entretien avec Jean-Maxime Jouis, CEO de BNP Paribas REIM France.
Investissement Conseils : Comment le marché immobilier résiste-t-il à la conjoncture actuelle ?
Jean-Maxime Jouis : A partir du troisième trimestre, les volumes de transaction sur l’immobilier d’entreprise ont été significativement impactés selon les zones géographiques et les classes d’actifs. L’équation qui prévalait jusqu’il y a moins d’un an, c’est-à-dire une combinaison de rendements immobiliers bas et de taux de financement très attractifs, qui permettait d’atteindre des performances cibles, est brutalement devenue insoluble. Le marché est entré dans un processus d’ajustement des prix, qui sera selon nous assez marqué, mais également rapide. En revanche, nous observons que les fondamentaux liés à l’offre et à la demande locatives ne varient pas ou très peu, ce qui explique notre confiance sur le comportement de la classe d’actif à moyen terme. Si ce scénario se confirme, ce sera une bonne nouvelle pour les investisseurs cherchant à engager du capital : 2023 devrait être une année propice à l’achat.
Quelles perspectives sur les loyers, notamment en bureaux ?
La correction des valeurs est corollaire de la hausse des taux, mais celle-ci voit ses effets modulés par un contexte plus large d’inflation et de demande locative qui reste soutenue, malgré des disparités croissantes. Ainsi, n’oublions pas qu’en immobilier, inflation rime avec indexation des loyers, ce qui permet d’anticiper une revalorisation de revenus significative dans l’année à venir pour les actifs loués.
Concernant les valeurs locatives de marché, c’est-à-dire le loyer potentiel des surfaces disponibles à la location, leur évolution est en fonction du rapport offre-demande, et on observe désormais clairement que les écarts se creusent entre les biens immobiliers prime, situés dans les meilleurs emplacements Confiante dans l’évolution du marché immobilier, BNP Paribas REIM France maintient sa stratégie d’allocation vers un portefeuille d’actifs diversifiés et résilients qui ont su résister à la crise. La société de gestion entend intensifier son travail de valorisation de son patrimoine, tout en profitant des nouvelles opportunités qui apparaîtront après une phase de correction des taux de rendement. Entretien avec Jean-Maxime Jouis, CEO de BNP Paribas REIM France et aux meilleures caractéristiques techniques, et les autres. Pour les premiers, les valeurs locatives en progression viendront, sinon gommer, du moins atténuer les effets de la hausse des taux; pour les autres, obsolètes ou implantés par exemple dans certains marchés de première et deuxième couronnes, on observe déjà des décotes significatives et un taux de vacance croissant. En clair, on recrée une hiérarchie des valeurs : en 2023, le bon grain sera de nouveau distingué de l’ivraie, avec une forte polarisation sur les extrêmes. Les bureaux qui enregistrent, dans Paris, des taux de vacance très faibles et des valeurs locatives prime ont récemment atteint les 1 000 €/m2, par exemple.
Quelle est votre lecture du marché actuel ?
Nous analysons les principales typologies d’actifs à horizon 2025–2026. A nos yeux, beaucoup de segments immobiliers offrent des opportunités intéressantes en choisissant méticuleusement son point d’entrée.
D’un point de vue tendance, on observe notamment la forte résilience de l’immobilier de santé. En dépit des récentes controverses, le marché bénéficie d’une rareté manifeste et connaît de multiples barrières à l’entrée. Il reste porté par des fondamentaux démographiques évidents qui soutiennent en continu la demande et assurent de solides perspectives. Nous avons une opinion positive à court terme sur l’hôtellerie qui poursuit sa dynamique de rebond post-Covid et affiche une bonne résilience de ses revenus. Cette classe d’actifs qui n’a pas connu d’importantes compressions de taux dans le « monde d’avant »du fait de la crise sanitaire délivre des rendements tout à fait attractifs pour un niveau de risque maîtrisé.
L’immobilier logistique, qui a été propulsé pendant la crise sanitaire et avait connu une forte compression de ses taux de rendement, a souffert d’un effet de « re-pricing » marqué au second semestre 2022. Il reste, néanmoins, porté par le développement du e-commerce et la rareté du foncier – amplifiée par l’objectif de zéro artificialisation nette des sols – et ses valeurs locatives sont en progression marquée ces dernières années (+ 12 % en Europe en 2022).
Concernant le commerce, nous continuons à privilégier les retail parks qui ont démontré leur résilience durant la crise sanitaire. Situés en périphérie des villes, ces centres à ciel ouvert concentrent des enseignes grand public qui apportent une réponse aux besoins de consommation. Les loyers y sont plus modérés qu’en centre-ville et les taux d’effort des commerçants y demeurent généralement contrôlés, le tout sur un marché où la rareté foncière s’accroît progressivement.
Enfin, nous croyons plus que jamais à l’intérêt du résidentiel, alors que la France fait toujours face à un déficit de logement et à une problématique de répartition de l’offre sur le territoire. Nous cherchons à investir dans diverses solutions offertes à des populations avec des niveaux de revenus hétérogènes et de multiples attentes. Beaucoup restent à faire et à inventer en la matière, notamment à destination de populations plus fragiles et des jeunes actifs.
Pour quelle stratégie d’allocation allez-vous opter ?
Nous raisonnons depuis quelques années par ce que nous appelons des mégatendances, plus que par classe d’actif immobilière. Ces mégatendances, telles que l’évolution démographique européenne, la digitalisation de nos économies ou encore les évolutions liées au changement climatique et l’urbanisation par exemple, portent selon nous les déterminants de la performance immobilière à dix ou quinze ans. Beaucoup d’entre elles se retrouvent d’ailleurs, d’une façon ou d’une autre, intégrées aux approches ESG incontournables ces dernières années. Cette logique nous a conduits à prendre des positions sur différentes catégories. Nous avons transacté en 2022 un total de 4 Md€, avec des acquisitions significatives en immobilier de santé, en commerce et en hôtellerie. Pour le compte de notre SCPI Accimmo Pierre, nous avons acquis deux sites opérés par le Club Med en montagne et des retail parks.
Quoi de neuf dans votre offre ?
En fin d’année dernière, nous avons lancé la SC Pierre Impact conçue en partenariat avec Cedrus & Partners et cinq assureurs partenaires (BNP Paribas Cardif, Spirica, Suravenir, Oradea Vie, Abeille Assurances), qui investit principalement dans l’immobilier résidentiel, avec une double coloration forte, solidaire et durable. Jusqu’à 10 % de l’allocation du fonds sont dédiés à l’investissement dans des foncières solidaires. La première sélectionnée a été Solifap (abbé Pierre), auprès de laquelle nous avons récemment déployé 8 M€ pour une première réalisation dans le XIVe arrondissement de Paris, sur un site d’hébergement d’urgence. Sur les 90 % restants, nous chercherons à investir majoritairement en résidentiel sous toutes ses formes, ainsi que sur l’écosystème urbain associé, en France et en Europe. Pierre Impact est labellisé Finansol.
Notre seconde actualité est la réouverture d’Accès Valeur Pierre, notre SCPI de bureaux qui totalise 2 Md€ de capitalisation, dont la transformation à capital variable s’est opérée en septembre 2022. Nous continuons à cibler nos investissements sur l’immobilier de bureaux, situé, pour 67 % du portefeuille, dans Paris. Cette SCPI peut se prévaloir d’adresses de prestige (place de la Madeleine, avenue de Wagram) et de la modernisation de son parc qui est une très belle source de performance. Nous rouvrons donc ce véhicule pour apporter du capital supplémentaire afin de financer les projets de développement et de restructuration, tout en poursuivant la diversification du portefeuille. Nous prenons ainsi de nouvelles positions, en cohérence avec notre stratégie de création de valeur en capital à terme. Entre 2013 et 2021, la SCPI a délivré un rendement global immobilier moyen de 8,1 % grâce à une offre rare et une exposition très parisienne. Accès Valeur Pierre, désormais labellisée ISR, a tous les atouts pour poursuivre son développement et capitaliser sur les qualités des bureaux parisiens.
Adopterez-vous une posture défensive ou offensive en 2023 ?
L’ensemble du marché devrait connaître une année moyenne, du fait de corrections de valeurs qui devraient se poursuivre au moins sur le premier semestre. Pour autant, nos anticipations à cinq ans demeurent très positives. L’immobilier est une classe d’actifs illiquide qui s’évalue sur le long terme. Les fondamentaux sont là au regard des mégatendances identifiées.
Tout en intégrant l’actualité riche de cette classe d’actifs (changements de paradigmes, des chocs économiques, politiques, sanitaires, etc.), ce qui prime, ce sont les tendances sociétales – telles que le vieillissement de la population, le changement climatique, le niveau et mode de consommation ou la digitalisation de nos économies – qui conditionnent la performance à long terme. Face à ces changements, pour la plupart transverses, il faut sortir des catégories monolithiques de l’immobilier et privilégier des allocations dans des actifs ancrés dans une réalité de terrain, flexibles, serviciels et répondant aux besoins des populations et utilisateurs. Nous n’anticipons ni décisions hâtives, ni arbitrages « d’urgence » dans notre portefeuille. Au contraire, 2023 sera probablement une bonne année pour déployer du capital.