- > Article paru dans le magazine n°: 833
Leader sur le marché des SCPI en termes de capitalisation (source : IEIF au 31 décembre 2019), La Française Real Estate Managers poursuit son développement et diversifie ses stratégies, avec la volonté d’être toujours un « agitateur d’idées ». Malgré le trou d’air du deuxième trimestre 2020, les perspectives sont rassurantes. Explications de Marc Bertrand, président de La Française REM.
Investissement Conseils : En quelques mots, qu’est-ce que La Française Real Estate Managers ?
Marc Bertrand : La Française REM appartient au groupe La Française, lui-même filiale du Crédit mutuel Nord Europe. Un actionnariat bancaire, mais pas une direction filialisée puisque La Française conserve une large autonomie de moyens et son développement s’opère très majoritairement en dehors du réseau Crédit mutuel. Fin 2019, le groupe comptait six cent-treize collaborateurs et plus de 69 Md€ d’encours, dont 23,6 Md€ en immobilier. Un secteur qui pèse donc fortement dans l’identité de La Française. La moitié du chiffre d’affaires du groupe provient d’ailleurs de l’immobilier.
La Française REM est leader en France sur la capitalisation du marché des SCPI selon les chiffres de l’IEIF. Et nous poursuivons notre développement. Approximativement la moitié de nos 23,6 Md€ d’encours provient de la clientèle retail, l’autre moitié de la clientèle institutionnelle française et étrangère, notamment coréenne. Notre offre de produits comprend des fonds à capital fixe et à capital variable, des clubs deals, des fonds de foncières cotées, ainsi que des fonds et des comptes dédiés.
Quel est votre profil d’investissement ?
M. B. : Sur nos SCPI, nous privilégions des stratégies Core et Core+. Mais nous déployons, par ailleurs, de plus en plus fréquemment des stratégies de création de valeur, comme une foncière que nous avons lancée en joint-venture avec des partenaires canadiens sur le Grand Paris. Nous prônons un asset management actif, impliquant une lecture pointue de la transformation de la ville et une certaine prise de risque. L’élargissement de notre palette de compétence s’opère aussi à l’international, avec des équipes implantées localement à Francfort et à Londres, ce qui nous permet de couvrir, outre la France, les îles britanniques, le Benelux et l’Allemagne. Nous disposons aussi d’un bureau de représentation en Corée responsable de la levée de fonds auprès des investisseurs asiatiques souhaitant diversifier leurs portefeuilles avec de l’immobilier européen. Nous avons bénéficié de vents favorables et avons su prendre des positions qui nous permettent d’être aujourd’hui clairement reconnus à l’échelle européenne.
Quelles thématiques privilégiez-vous ?
M. B. : Historiquement, notre savoir-faire repose très majoritairement sur les bureaux et dans une moindre mesure sur les commerces. Mais nous avons aujourd’hui une vraie ambition sur le résidentiel qui représente près de 1,2 Md€ d’encours (au 31 décembre 2019). Un axe intéressant pour les asset managers. Et nous avons également une très jolie expertise sur l’agricole et le viticole, des actifs « différenciants », porteurs de valeurs de transmission et dotés d’un vrai impact environnemental. Le viticole constitue une classe d’actifs très intéressante. C’est le plus valorisant des actifs agricoles ; depuis quarante ans, La Française gère des investissements viticoles qui offrent un très bon track-record sur de longues périodes, avec 7 à 8 % de TRI annuels. La Française REM a récemment créé la première SCPI viticole, LF Les Grands Palais, qui associe deux de ses expertises historiques, la gestion de SCPI et l’investissement viticole.
Comment intégrez-vous la notion d’investissement durable ?
M. B. : Un sens de la responsabilité sociale s’inscrit dans l’ADN du groupe. Nous sommes conscients que les épargnants veulent donner du sens à leurs investissements. A cet égard, nous avons développé des fonds basés sur le viager. Un sous-jacent vraiment original en termes sociétal et qui plaît beaucoup aux clients. Notre deuxième fonds sur ce thème va clôturer à 200 millions d’euros. De manière générale, nous aimons être des agitateurs d’idées. Par exemple, nous avons déployé une solution reposant sur la « flexi-propriété », destinée à faciliter l’accès des classes moyennes à la propriété. En effet, acquérir un bien en pleine propriété consiste à acheter trois éléments : la fonction de pouvoir se loger, celle de pouvoir accumuler de l’épargne via l’emprunt et celle de pouvoir transmettre. La flexi-propriété permet de privilégier la valeur d’usage sur la valeur patrimoniale, en achetant le titre de propriété pour une période de cinquante ans. Conséquence : le coût d’acquisition du logement baisse d’environ 30 à 40 %, pour se rapprocher de celui d’un loyer, tout en permettant d’accumuler de l’épargne. C’est donc un marchepied dans le parcours d’accès au logement.
Quid de la collecte ces derniers mois ?
M. B. : En 2019, nous avons réalisé une collecte spectaculaire de 3,7 Md€, mais notre grande fierté est surtout d’avoir pu acheter pour 4 Md€ d’euros d’immobilier au lieu des 2 Md€ prévus initialement. Les équipes ont été capables d’accélérer, en travaillant énormément pour multiplier par deux les objectifs. Et ce tour de force exceptionnel nous a permis de placer la totalité de la collecte, ainsi que les arbitrages réalisés, et d’augmenter un peu l’effet de levier de nos fonds. Début 2020, nos objectifs de collecte s’alignaient sur ceux de 2019. Le premier trimestre tenait ses promesses, en progression de quinze points. La collecte a, bien sûr, décéléré avec la pandémie, mais elle ne s’est pas tarie. Et nous n’avons subi aucune sortie de client. En avril-mai, nous avons collecté autour de 60 M€ par mois, des chiffres tout à fait honorables au regard de la situation. Et les perspectives sont plutôt bonnes. Après la douche froide sur les marchés financiers, l’immobilier fait figure de bon couple rendement-risque, avec une bonne résilience. Conjoncturellement, il représente aussi une alternative intéressante pour sevrer le marché des fonds euros.
Quelles conséquences sur les rémunérations en 2020 ?
M. B. : Grâce à notre politique d’investissement, nous n’avions pas pris de surengagements ou accumulé trop de liquidités. Aujourd’hui, nous devons surtout gérer les difficultés des locataires touchés par la crise. Nous avons réussi à encaisser 80 % des loyers du deuxième trimestre sur nos SCPI, grâce à un accompagnement très personnalisé. De façon logique, l’acompte de distribution sera donc rogné de 20 à 25 % en juillet. Pédagogiquement, il nous semble important de répercuter la baisse de revenus sur les dividendes de ce trimestre. Ceux qui ne le font pas entretiennent l’idée que l’immobilier serait déconnecté du marché et épargné par la crise, or ce n’est pas le cas. Il faut tenir un discours responsable. Nous opérerons peut-être un rattrapage en fin d’année, mais je ne souhaite pas utiliser les réserves pour combler le trou d’air.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
M. B. : Nous observons une bonne dynamique en termes d’activité, d’investissements… J’en suis plutôt agréablement surpris. Il y a toujours beaucoup d’argent à investir même si pour l’instant, chacun manque de repères. La situation est franchement très différente d’il y a dix ans.
Bien sûr, un gros coup a été porté à la croissance. Cela impactera évidemment la demande locative ; il faut s’attendre à un cycle de loyers moins favorables. Mais finalement, rien de détonant au regard des dix dernières années. Entre 2010 et 2015, le contexte était également compliqué ; nous sommes donc habitués à gérer ces situations.
En 2020, nous continuerons à investir et arbitrer vers des stratégies Core, comme nous le faisons déjà avec succès depuis plusieurs années. Nous ne misons pas uniquement sur le rendement, mais nous cherchons à optimiser le couple rendement-risque. C’est un élément de réassurance important pour les clients. Il semble que les prix de l’immobilier Core bougeront peu, car la demande reste forte.
Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ?
M. B. : Je suis serein pour l’avenir et fier de la façon dont les équipes ont géré la crise avec des fondamentaux tenus, et un bel équilibre entre pragmatisme et optimisme. Nous sommes en bonne position pour repartir. Nous accompagnons la mutation des bureaux ; pour le commerce, nous mettons en place des partenariats intelligents avec les plus grands spécialistes du secteur. Et nous avançons sur le secteur des résidences gérées, notamment avec la création d’un fonds de résidences senior et d’un fonds de tourisme pour des institutionnels.
Le départ de Xavier Lépine en mai dernier ne modifie pas notre stratégie. C’est d’ailleurs Patrick Rivière, directeur général du groupe depuis 2008, qui a pris la présidence du directoire. Notre actionnaire continue de soutenir le développement de nos SCPI et notre démarche en direction des institutionnels. Il m’a également demandé de rentrer au directoire. Preuve si besoin était que l’immobilier est au coeur de la stratégie du groupe !