Conjuguer immobilier et actifs financiers

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Patrick Rivière président du directoire du groupe La FrançaiseForte de 56 Md€ d’encours, dont près de 30 Md€ en immobilier, La Française se positionne dans le top 3 des sociétés de gestion en France. Son modèle multi-boutiques, axé sur l’immobilier et les actifs financiers, inspire une offre différenciante.
Rencontre avec Patrick Rivière, président du directoire du groupe La Française.

Investissement Conseils : Comment définiriez-vous le modèle de La Française ?
Patrick Rivière : La Française est un pur asset manager s’appuyant sur deux piliers : les actifs financiers et l’immobilier. Cette dualité fait notre particularité, depuis un plan de développement conçu au lendemain de la crise de 2008 qui nous amenait à considérer l’immobilier comme un actif à part entière. Immobilier et actifs financiers sont donc étroitement mêlés à La Française ; ils mobilisent les mêmes équipes commerciales et marketing, et ont sensiblement le même poids. Sur les 56 Md€ d’encours gérés par le groupe, 29 Md€ proviennent de l’immobilier. Toutefois, nous avons des stratégies commerciales distinctes pour chaque expertise. En effet, nous occupons une place très significative dans l’immobilier : nous figurons dans le top 3 en France, et dans le top 15 en Europe, ce qui nous permet de tenir une stratégie de leadership dans ce domaine. Sur les marchés financiers par contre, nous privilégions une approche de niche à valeur ajoutée afin de nous différencier d’une masse de concurrents plus importante.
Notre dualité nous permet d’établir un dialogue avec la clientèle, pour une proposition complète. Alors que la quasi-intégralité des asset managers se concentre exclusivement sur les actifs financiers, introduire de l’immobilier dans nos allocations constitue une démarche intéressante et différenciante, particulièrement dans l’univers actuel de taux réels négatifs. Autre composante de notre identité : bien que filiale du Crédit mutuel Nord Europe, 81 % de nos encours sont réalisés hors du groupe Crédit mutuel. Signe que la conquête de clientèle fait partie de notre ADN ! La clientèle internationale représente même plus de 20 % de nos encours.

Quelle est justement votre stratégie à l’international ?
Nous sommes présents en Espagne, en Italie, au Benelux, en Allemagne, mais aussi en Angleterre. En Asie, nous avons développé une importante clientèle institutionnelle en Corée du Sud sur l’immobilier. Il s’agit dans tous ces pays de positions commerciales, sauf en Angleterre et en Allemagne où nous disposons d’équipes de gestion. Aujourd’hui, nous aimerions nous renforcer en Angleterre sur l’immobilier : le marché postBrexit s’avère intéressant et le pays reste une zone d’investissement majeure. Nous souhaitons aussi étendre notre déploiement en Asie, dans une logique commerciale. Nous avons été convaincus par notre très bonne expérience en Corée, devenue une zone de clientèle majeure pour nous. Le Japon nous intéresse aussi.

Quelles sont vos convictions d’investissement ?
Les marchés restent très influencés par le contexte sanitaire. La crise nous a durablement plongés dans une tendance marquée de taux d’intérêt réels négatifs. Elle a souligné toute l’importance du digital. En filigrane, s’est aussi déployée la notion de « capitalisme durable », une logique qui influence désormais toute la stratégie des entreprises. Ces évolutions sont les moteurs de nos produits, elles impactent toutes nos stratégies d’investissement et nous confortent sur l’intérêt d’allier actifs financiers et actifs réels : nous allons donc poursuivre notre développement sur ces deux piliers, en les mixant de plus en plus dans nos allocations.
La crise a également mis en exergue des sujets auparavant présentés comme des stratégies de diversification en immobilier d’investissement : c’est le cas de la logistique, de la santé et de l’habitation. Des thématiques devenues fondamentales aujourd’hui et que nous couvrons pour notre clientèle retail et institutionnelle. Elles ont été au cœur de nos efforts de créativité produit en 2021 et nous allons poursuivre cette logique en 2022. Parallèlement, le bureau reste à nos yeux un produit incontournable en raison des besoins du marché et de sa taille. Mais un bureau adapté aux contraintes des entreprises. Une nouvelle approche du bureau est en train de se définir. Elle induit des logiques de centralité, de flexibilité, de qualité et de durabilité des actifs, qui nous inspirent pour continuer à investir et réaménager notre gamme. A l’heure du télétravail, la centralité est un sujet crucial : les bureaux doivent être facilement accessibles en transports en commun, y compris lorsque les salariés viennent de loin. En revanche, les réductions de mètres carrés ne nous semblent pas être une priorité des entreprises à ce stade. Dans le contexte de forte reprise économique que nous connaissons, l’enjeu principal consiste plutôt à recruter et à faire revenir les salariés au bureau…

Comment intégrez-vous la notion de « capitalisme durable » ou encore le digital dans votre offre ?
A La Française, nous accompagnons ce vaste mouvement amorcé vers le « capitalisme durable » et la transition énergétique. Cette dimension s’inscrit pleinement dans notre logique de produits de rendement, un marqueur important de notre groupe. Alors que la très grande majorité des fonds n’intègre pas encore cette démarche particulièrement dans le domaine obligataire, 90 % des encours de nos fonds ouverts en actifs financiers sont conformes aux stratégies d’investissement durable. De même en immobilier, où c’est un engagement de conversion important. Quel que soit le produit, nous nous engageons à ne pas acheter un immeuble qui ne serait pas dans les meilleurs standards. Cette démarche guide aussi notre politique de rénovation et d’amélioration du parc existant. La durabilité est devenue notre norme en immobilier.
En matière d’ESG, nous avons fait le choix de privilégier la thématique carbone et transition énergétique, qui nous apparaît comme la plus fédératrice en termes de développement et de produit. En valeurs mobilières, nous avons développé une gamme bas carbone complète, disposant d’un historique de plus de cinq ans. Le focus sur ces produits carbone va encore s’accroître à l’avenir. La logique sociale est plus complexe à mettre en œuvre pour le moment; elle reste peu normée et résonne différemment selon les pays… Côté digital, notre offre Agil’Immo permet d’investir, non plus en parts de SCPI, mais en montant grâce au plan d’investissement progressif, un outil qui permet notamment de toucher des épargnants plus jeunes. Nous croyons beaucoup à ce mariage entre SCPI et digital qui ouvre des perspectives au sein des réseaux mass-market.

Quel est votre lien avec les CGP ?
Les CGP constituent une clientèle stratégique pour nous, en France et en Europe. Nous avons tissé avec eux un lien historique fort, notamment via l’immobilier. Parallèlement, les trends de marché (digitalisation, baisse des taux, durabilité…) conduisent à une forme de retailisation de l’épargne. La bascule du marché vers les UC et l’épargne-retraite ouvre un champ très important pour la distribution et le conseil, les clients méritant d’être accompagnés sur ces solutions plus sophistiquées et moins confortables à vendre que le fonds en euro. Ces évolutions rendent notre relation avec les CGP encore plus stratégique. Ces derniers influencent par ailleurs d’autres acteurs de la distribution, comme le Private Banking. Tous ces professionnels se sont désormais emparés des nouvelles problématiques d’allocation de leurs clients, qu’il s’agisse de l’association immobilier-actifs financiers, ou de l’investissement socialement responsable dont ils perçoivent aujourd’hui clairement les enjeux.

Quelle est votre analyse sur un possible retour de l’inflation ?
Nous observons aujourd’hui le retour d’une forme d’inflation par la demande, dont il est difficile de mesurer l’ampleur dans le temps. Mais notre conviction est que, quel que soit le scénario d’inflation, les taux d’intérêt réels vont rester franchement négatifs, ce qui impacte fortement les stratégies d’investissement des épargnants. Tant que les taux étaient proches de zéro, sans retour de l’inflation, les investisseurs pouvaient rester dans une position d’attente. Aujourd’hui, un recalage est nécessaire. Car le prix à payer pour la transition énergétique en matière d’investissement va obliger les banques centrales à maintenir durablement les taux d’intérêt réels en zone négative. D’où l’importance de proposer des stratégies d’investissement adaptées:l’immobilier est de ce point de vue très intéressant, grâce à son niveau élevé de rendement et à ses loyers indexés sur l’inflation. Il peut s’accompagner de stratégies de rendement financier orientées sur le crédit, sur des logiques indexées à l’inflation…

Comment envisagez-vous 2022 ?
En termes de demande, 2022 devrait se situer dans la continuité de 2021 : nous sommes convaincus que nos produits phares comme récents sont bien positionnés dans le contexte. L’an dernier, nous avons eu des difficultés comme tout le monde à nous connecter physiquement à l’international. Les contraintes de circulation ont constitué un frein pour la collecte à l’étranger, notamment en immobilier; notre activité avec la clientèle asiatique s’est trouvée ralentie. Malgré ces obstacles, nous avons réalisé une belle collecte de 2,6 milliards d’euros, en 2021, en immobilier.

Nous espérons plus de fluidité cette année afin de faire aussi bien que l’an dernier sur la clientèle de proximité en France et mieux à l’international ! Tout en maintenant nos focus… Nous espérons en 2022 récolter les fruits de beaucoup d’innovations lancées en 2021 et de nos bonnes performances.

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