Société de consulting et de formation, Métisse Finance fête cette année son vingtième anniversaire. L’occasion d’aller à la rencontre de ses fondateurs, Pascal Pineau et Claude Lajugée.
Investissement Conseils : Pourriez-vous nous rappeler l’histoire de votre société ?
Pascal Pineau : Après avoir été formateurs et responsables de la formation au sein de l’UFF pendant de nombreuses années, nous avons décidé de lancer notre propre structure de formation, à l’occasion d’un changement d’actionnariat pour former les conseils en gestion de patrimoine dans leurs pratiques commerciales et la mise en place de leur stratégie de développement.
Dès lors, nous nous sommes appuyés sur deux convictions : d’une part que la facturation du conseil et la mise en place d’abonnement étaient nécessaires et qu’il convenait de les accompagner à les instaurer et, d’autre part, qu’il leur était nécessaire de segmenter leur clientèle.
Ces idées étaient nouvelles à l’époque et certains CGP, qui d’ailleurs n’aimaient pas trop qu’on leur parle d’approche commerciale, avaient quelque peu perdu les fondamentaux de la relation client. Néanmoins, ils sont venus naturellement venus vers nous dans un marché très morcelé et où nous rencontrions finalement peu de concurrence.
Claude Lajugée : Quelques années plus tard, nous avons connu une accélération de notre activité. En effet, dès 2008, l’Aurep nous a confié un module au sein de sa formation phare, le DU Expert gestion de patrimoine, et nous avons également noué des partenariats avec Fidroit et Harvest. Notre positionnement était alors reconnu par des structures emblématiques sur le marché. Aujourd’hui, nous sommes toujours formateurs au sein de l’Aurep, au sein de tous ses certificats (gestion de patrimoine, dirigeant d’entreprise, multi-family office, personnes vulnérables), hormis celui sur la gestion internationale de patrimoine.
Vous vous êtes ensuite spécialisés sur la relation humaine entre le professionnel du conseil et son client…
P. P. : Tout à fait. Nous avons développé une approche basée sur les neurosciences et la finance comportementale (prix Nobel d’Economie par deux fois). Le client constitue la valeur la plus importante d’un cabinet : sa confiance et ses recommandations sont à la base du développement de l’activité du CGP. Nous avons donc accompagné les conseillers en gestion de patrimoine dans l’approche de leurs prises de décision, leurs biais émotionnels et cognitifs, comment susciter leur écoute, l’approche des sujets sensibles, tels que le décès ou la dépendance… Il convient en effet de bien qualifier son client, sa façon de réfléchir, pour mieux le servir et emporter sa décision, sans pour autant faire preuve de manipulation ! Par exemple, pour certains clients, il convient de présenter ses solutions avant de décrire les moyens mis en œuvre pour capter son attention et emporter sa décision; pour d’autres, ce sera l’inverse.
Tout ce cheminement nous a ensuite conduits à nous rapprocher du terrain et à devenir consultants pour des familles fortunées, des groupes familiaux.
C’est-à-dire ?
C. L. : La transmission d’un patrimoine professionnel est une mission complexe où il convient de décoder la volonté des clients et cadres dirigeants, leurs freins, les non-dits, les interprétations abusives, où les décisions sont complexes avec l’intervention de différents experts qu’il convient de coordonner, où il existe parfois des sabotages, des jalousies… Ici, sur proposition des conseils des clients, nous sommes missionnés par les familles pour préparer le terrain d’une transmission réussie pour toutes les parties.
Pour cela, nous nous sommes associés à Caroline Nicolas (cabinet-conseil Héliotropes), psychologue et chercheuse spécialisée dans l’organisation des sociétés et des groupes familiaux, notamment sur le passage de relais avec les nouvelles générations:comment elles passent le cap d’un point de vue émotionnel et sur la gestion des conflits quant aux nouveaux projets et enjeux.
P.P. : Aujourd’hui, c’est cette activité qui nous prend le plus de temps car nous accompagnons les familles au-delà de la transmission. Elle nous a ouvert la voie vers une approche de l’interprofessionnalité. Ici, nous collaborons avec Amandine Paulet (cabinet de gestion de patrimoine lyonnais, Ampeg) pour définir un cadre à cette interprofessionnalité pertinente : des règles du jeu, les outils et une approche commune. Dès 2025, nous devrions aboutir à une proposition de valeur novatrice.
Votre rôle et votre clientèle ont donc profondément changé au cours de ces vingt années…
C. L. : Notre clientèle a naturellement évolué vers les experts-comptables et les notaires, lesquels, tout comme les CGP, rencontrent souvent des difficultés à valoriser leur conseil et à le facturer. Parallèlement, nous nous adressons désormais davantage à des cabinets de CGP qui souhaitent développer une approche de family office, en les accompagnant à définir leur cible de client, à adapter leur offre, à fixer le prix de leurs prestations et à développer leur communication externe.
Ainsi, nous sommes progressivement passés de formateurs-consultants à consultants également formateurs.
Avez-vous un message à adresser aux CGP ?
C. L. : Nous en avons plusieurs ! Le premier consiste à contredire l’idée selon laquelle la consolidation des cabinets est incontournable, même si elle est logique, et que le CGP individuel est mort. Nous estimons qu’il n’existe pas une solution unique, qu’au contraire les conseillers en gestion de patrimoine s’épanouissent dans différentes configurations et que ces différentes structures répondent à des typologies de clients différentes. Des tas de montages sont possibles et de belles idées existent, mais restent encore trop discrètes.
Deuxième point, nous croyons plus que jamais aux abonnements patrimoniaux qui prendraient la forme d’un contrôle technique du patrimoine à réaliser de façon régulière sur différents points. Les CGP doivent valoriser leur conseil:ces abonnements sont un bon moyen pour lisser dans le temps le coût de leur prestation.
P. P. : Enfin, les CGP ne doivent pas sous-estimer l’IA. Ils doivent s’approprier dès aujourd’hui ces nouveaux outils qui se développent, avant d’être dépassés par ceux qui auront les moyens d’investir massivement dans ce domaine. Les clients seront naturellement attirés par ces nouveautés… Les outils d’intelligence artificielle devront être adoptés par les CGP pour leur permettre de gagner du temps au contact de leur client et éclairer leurs décisions patrimoniales. Le marché est toujours grand et les stratégies diverses pour le conquérir !
Une méthode, un livre
Le 22 mai sortira la deuxième édition du livre « Conseil en gestion de patrimoine – Prendre soin de ses clients » de Pascal Pineau et Claude Lajugée, publié chez Dunod dans la collection Finance. Dans cet ouvrage, les auteurs présentent la méthodologie d’accompagnement des clients patrimoniaux en analogie avec celle du médecin de famille. Les trois étapes du parcours sont décryptées et fournies de conseils pratiques:la découverte du prospect, la préparation du premier rendez-vous et son suivi, et la prise en charge du client.
A ne pas manquer !
Le conseil en gestion de patrimoine-Prendre soin de ses clients (2e édition), de Pascal Pineau et Claude Lajugée, aux éditions Dunod, collection Finance, 240 pages, 27 €.