Un nouveau challenger sur le marché

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Avec l’acquisition d’Ageas France, la mutuelle d’épargne Carac prend position sur le marché des CGP. Son directeur général, Michel Andignac, nous en livre les tenants et les aboutissants.

Un nouveau challenger sur le marché 01Investissement Conseils : Commençons par situer la Carac en quelques mots et chiffres…
Michel Andignac : La Carac est un acteur mutualiste singulier sur le marché de l’assurance-vie et de l’épargne-retraite, puisque soumise au livre II du Code la mutualité. C’est atypique, les mutuelles étant davantage connues pour le remboursement des frais de santé. Créée en 1924, la Carac sera centenaire l’an prochain ! Son origine remonte aux Poilus de la Première Guerre mondiale, pour leur permettre de se constituer un complément de retraite. La Carac est née de cette histoire et s’est construite avec un produit spécifique, la Retraite mutualiste du combattant (RMC), qui a porté la croissance de la mutuelle au XXe siècle. Mais, le nombre de combattants se faisant heureusement plus rare, ce portefeuille est en attrition naturelle. Il fallait donc ouvrir la Carac à d’autres marchés, ce qui fut fait dans les années 2000 par mes prédécesseurs, avec une gamme diversifiée de produits d’épargne, de retraite et de prévoyance, ouverte à tous les publics. Cette gamme a été récemment repensée, notamment dans le cadre de la loi Pacte. Nous comptons aujourd’hui trois-centcinq mille adhérents à la Carac, dont un peu moins de la moitié sur la RMC.
Sur le plan financier, notre mutuelle a un bilan très important, avec 1,9 milliard de fonds propres prudentiels, à fin 2022, et 10,5 milliards d’actifs en gestion (9 milliards d’encours, plus les fonds propres). Ce sont essentiellement des encours en euros, les unités de compte pesant environ 500 millions. Ajoutons un point clé, la mutuelle est robuste, avec un ratio de solvabilité très élevé, de 294 % à fin 2022.

La Carac vient d’acquérir Ageas France, une compagnie dédiée aux CGP. Pour quelles raisons ?
Notre enjeu est d’accélérer le développement de notre portefeuille d’adhérents. Nous distribuons les offres Carac aujourd’hui par un réseau salarié captif composé d’environ deux cents commerciaux itinérants sur le terrain et réparti sur cinquante points de vente. Ils ont réalisé un chiffre d’affaires en croissance de 4 % l’an dernier, alors que le marché était baissier. Et les quatre premiers mois de l’année sont très encourageants, tant en termes de chiffre d’affaires, avec une croissance à deux chiffres, que de nouveaux adhérents. Mais il nous faut encore élargir notre base distributive, agrandir notre terrain de prospection. L’acquisition d’Ageas France s’inscrit pleinement dans cette stratégie de développement et de diversification. Cette croissance externe nous ouvre vers un nouveau canal de distribution. Ainsi, nous allons associer à notre mutuelle les équipes reconnues d’Ageas France pour leur savoir-faire sur un nouveau marché, celui des CGP.

Pourquoi Ageas France ?
C’est une entreprise très complémentaire à celle de la Carac au niveau opérationnel. Avec Ageas France, nous aurons accès à un marché où nous ne sommes pas présents:celui des conseillers en gestion de patrimoine (CGP). De plus, la clientèle patrimoniale et plus jeune d’Ageas France complète très bien la nôtre. Nous allons aussi nous appuyer sur Sicavonline, structure BtoC de vente de produits financiers et d’assurance-vie d’Ageas France, pour élargir notre distribution. Par ailleurs, Ageas France a un FRPS qui constitue une opportunité de se développer sur le marché de la retraite.

Avec cette acquisition, que va peser la Carac sur le marché français de l’épargne ?
En termes d’encours en portefeuille, avec 9 milliards d’euros à la Carac et 4 milliards d’euros chez Ageas France, nous représenterons 13 milliards d’euros d’encours et 15 milliards d’actifs gérés. Nous restons un acteur de taille moyenne, comparé aux grands groupes d’assurances, mais notre solidité et notre performance financière sont singulières sur le marché. Au niveau du chiffre d’affaires, nous approchons du milliard d’euros.

Qu’allez-vous changer en pratique chez Ageas France ?
Notre projet est entrepreneurial et axé sur le développement de nos activités. Nous sommes deux PME – quatre-cent-trente collaborateurs à la Carac, deux cents chez Ageas France – qui vont le rester et additionner leurs forces.
Nous allons construire ensemble un modèle pour tirer le meilleur des deux univers. D’un côté, avec l’image mutualiste de la Carac, sa robustesse et la force de son actif en euros. De l’autre, avec Ageas France et son savoir-faire sur le marché patrimonial. Citons, notamment, le référencement de produits financiers, par exemple des SCPI, ce dont pourront profiter aussi dans certains cas nos adhérents actuels.
Enfin, nous changerons la marque d’Ageas France, avec un dévoilement sans doute pour fin septembre lors du salon Patrimonia.

Quels sont vos atouts pour convaincre les CGP de vous suivre ?
D’abord, Ageas France va poursuivre son activité; les contrats qu’Ageas France vend aujourd’hui seront toujours là demain. Et son savoir-faire actuel aussi. Au-delà, nous allons proposer aux CGP, via la plate-forme d’Ageas France, des offres de la Carac qui seront différentes. Il s’agira de produits plus simples, avec le fonds en euros pour colonne vertébrale, et une approche sociétale et environnementale s’appuyant sur des dispositifs de fléchage de l’épargne. A l’arrivée, il y aura pour les CGP une palette de choix, un catalogue plus large, des offres riches en solutions financières pour des épargnants offensifs et des solutions plus prudentes issues de la Carac.
Nous comptons aussi développer notre offre sur la retraite individuelle, sur laquelle la Carac a une forte expérience, mais aussi sur la retraite collective avec des solutions pour les petites entreprises, en incluant des services. La retraite est un marché très large, qui inclut des notions comme le bien-vieillir ou la gestion de la dépendance. En tant que mutuelle d’épargne, de retraite et de prévoyance, nous devrions pouvoir porter avec les équipes d’Ageas France un vrai projet global dans ce secteur-là.

Une mutuelle d’épargne chez les CGP, c’est atypique, non ?
C’est une belle étape pour la Carac qui se transforme en groupe d’assurances et en challenger sur le marché. On veut continuer à cultiver notre singularité sur le marché français de l’assurance-vie et de l’épargne-retraite, qui est large. Il y a de la place pour des acteurs de taille moyenne.
Nous sommes ravis de cette opération, qui repose sur un vrai projet entrepreneurial avec un vecteur commun, la singularité mutualiste de la Carac. Du reste, il y a un mouvement de fond sur le marché de l’épargne et de la retraite. Le client cherche de la performance, du conseil adapté, qui va au-delà de l’assurance-vie. De plus en plus, il veut flécher ses investissements avec sens, dès lors qu’il y trouve une rémunération satisfaisante. La performance sociale fait partie de l’identité Carac, elle a aussi du sens pour les conseillers en gestion de patrimoine et leurs clients.

Quel regard portez-vous sur le marché concurrentiel de la gestion de patrimoine ? Et quelle place comptez-vous y jouer ?
A bien y regarder, il n’y a pas tant d’assureurs sur ce marché des conseillers en gestion de patrimoine, on y retrouve toujours les mêmes compagnies. Mais c’est un marché en expansion. Les CGP connaissent une croissance supérieure à la moyenne grâce à la valeur ajoutée de leurs conseils:ils ne couvrent que 5 % des ménages, mais cela représente aujourd’hui jusqu’à 55 % des encours ! Notre but est d’y être un acteur reconnu. Nous avons de l’ambition commerciale pour Ageas France, qui va continuer à se développer sous sa nouvelle marque et avec cette offre plurielle apportée par la Carac. Nous avons une carte à jouer. Du reste, les CGP sont satisfaits de l’arrivée de nouveaux acteurs. Ce marché des CGP est très vivant, on y voit des concentrations, mais aussi des structures qui se créent. Nous allons donc élargir le champ de leurs propositions.

Pour finir, un mot sur le marché de l’épargne. Et sur l’avenir des fonds en euros, le cœur de votre offre à la Carac. Optimiste ?
La remontée des taux d’intérêt obligataires replace la hiérarchie des risques à leur juste niveau, c’est une très bonne chose. Quant au fonds en euros, beaucoup d’assureurs y reviennent aussi. A la Carac, nous disposons d’un actif en euros solide et performant, parmi les mieux placés du marché. Nous avons servi 2,50 % nets sur nos contrats commercialisés en 2022, tout en continuant à doter la provision pour participation aux excédents à hauteur de 38 millions d’euros, qui pèse désormais 535 millions, soit plus de 6 % des encours de l’actif de notre fonds en euros. Notre logique reste de délivrer de la performance dans la durée, tout en jouant notre rôle mutualiste, par exemple avec des contrats très transparents dans leur construction ou sur les frais appliqués et notre démarche ESG.

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