L’assureur Spirica poursuit sa politique d’innovations sur le marché des CGP. Sa plate-forme UAF Life Patrimoine en est le principal relais. Le point avec Daniel Collignon, directeur général des deux entités.
Investissement Conseils : Commençons par quelques chiffres sur UAF Life Patrimoine…
Daniel Collignon : Les encours sous gestion sont de plus de 6 milliards d’euros. En 2022, notre collecte auprès des CGP a été d’un milliard d’euros, en hausse de 45 % par rapport à 2021. Nous avons digitalisé la quasi-totalité des actes de gestion en BtoBtoC, un gage d’efficacité. Notre back-office est reconnu par les CGP comme l’un des meilleurs du marché. Ajoutons que nous avons des produits de qualité, portés en 2022 et encore en 2023 par les unités de compte (UC) immobilières et dans une moindre mesure par le Private Equity. La croissance du secteur des CGP concourt, bien sûr, à cette bonne santé, mais pas seulement:nous prenons aussi des parts de marché auprès d’eux. Aujourd’hui, ils sont trois cents à nous apporter plus d’un million d’euros de collecte par an. Nous avons également mille deux cents CGP qui ont réalisé au moins un versement en 2022 et mille cinq cents inscrits avec un peu de stock.
Concernant l’équipe d’UAF Life Patrimoine, c’est aujourd’hui un peu moins de cent-cinquante personnes – rappelons que nous avions commencé à une trentaine –, dont une quinzaine de commerciaux et une petite dizaine d’assistantes commerciales, dont l’importance est clé. Les équipes commerciales, aujourd’hui connues et appréciées, contribuent au succès d’UAF Life Patrimoine.
Vous êtes aussi aux manettes de Spirica, assureur filiale du Crédit agricole. Quels sont les liens entre les deux structures ?
UAF Life Patrimoine est une filiale à 100 % de Spirica. Elle réalise 50 % de l’activité de la compagnie, l’autre moitié provenant de plates-formes liées aux CGP, comme Nortia ou Cyrus Conseil, et des courtiers en ligne, dont l’activité est en forte hausse (+50 % en 2022). UAF Life Patrimoine propose aussi des contrats des compagnies Oradéa Vie et CNP Assurances. Disposer d’une offre élargie est une valeur ajoutée pour la plateforme, d’autant que nous pouvons arrimer certains dispositifs digitaux à ces contrats. Par exemple, nous avons branché les contrats d’Oradéa Vie sur notre système de souscription en ligne.
Sur le digital, avez-vous encore quelques longueurs d’avance ?
Chez UAF Life Patrimoine, nous avons terminé la phase une de notre projet digital. Ce qui signifie qu’à date, tous les actes de souscription et de gestion sont réalisables en BtoBtoC. Seuls le règlement du capital-décès et le rachat total, deux opérations lourdes, sont traités différemment. Tout le reste est donc 100 % digital. Nous entrons désormais dans la phase deux, qui vise à l’amélioration du design et de l’efficacité des services. Notre but est d’avoir un outil plus fluide, plus intuitif et plus esthétique, une agilité informatique reconnue par le marché. Chez Spirica, quatre développeurs informatiques sont exclusivement dédiés à la plate-forme UAF Life Patrimoine.
Parlez-nous de la stratégie « Mobile First »de Spirica. De quoi s’agit-il ?
Cette stratégie part d’un constat:notre clientèle vieillit. Il est plus que nécessaire de s’adresser à une clientèle plus jeune, celle de demain. Les moins de trente-cinq ans, voire davantage, gèrent aujourd’hui leur argent avec un smartphone. Nous avons aussi la conviction que l’approche RSE est pour eux une part intégrante de leur vie. Dans la pratique, nous proposons un démonstrateur de souscription par smartphone. Et nous avons lancé le rachat partiel instantané, une innovation de rupture qui s’intègre parfaitement dans cette stratégie.
Vous avez dit « innovation de rupture » ?
En assurance-vie, la plupart des améliorations digitales faites ces dernières années concernent la souscription et l’alimentation des contrats, pas les prestations. Il faut rompre avec ce déséquilibre évident pour l’épargnant. Cela doit se traduire par un versement plus rapide des capitaux, y compris en cas de décès, ce à quoi nous travaillons chez Spirica. Une autre raison nous a conduits à cette innovation:les Français possèdent une énorme épargne de précaution sur les comptes-courants, parce qu’ils veulent être certains de pouvoir la récupérer sans délai. Avec le rachat partiel instantané, cet écueil saute. C’est là un argument auquel les opérateurs Internet sont très réceptifs. Le rachat partiel instantané n’est pas très compliqué à mettre en place. L’idée est de payer l’épargnant avant de faire les calculs de parts d’UC, d’impôts, par exemple, dès lors que le contrat est suffisamment garni. Le tout est encadré, puisque le rachat est limité à 60 % de la valeur du contrat et à 20 000 euros par opération.
Revenons sur l’offre de produits d’UAF Life Patrimoine. Comment la caractériser ?
Notre objectif est de donner au CGP l’ensemble des outils dont il peut avoir besoin. Dans une assurance-vie, nous pouvons avoir plusieurs modes de gestion différents. Dans la gestion libre, l’important, c’est la diversité des supports:titres vifs, ETF, supports classiques, UC immobilières, Private Equity, produits structurés… Le CGP qui nous choisit sait qu’il aura quasiment toujours la réponse à ses besoins. Sur le Private Equity, on a une dizaine de solutions différentes, c’est un choix étendu. Mais l’idée n’est pas de multiplier les lignes dans un contrat. Ainsi, nous fermons des lignes d’OPCVM qui ne sont pas alimentées. Notre ambition est d’offrir aujourd’hui d’autres types d’UC, par exemple des obligations en direct.
Les fonds immobiliers sont très présents dans vos contrats. Gardez-vous ce cap ?
Aujourd’hui, des tournants majeurs se profilent sur le marché de la pierre, avec des baisses de valorisation et des difficultés de location probables. Mais il ne faut pas faire de généralisation. L’immobilier de bureaux se tient encore très bien, comme à Paris. De nouveaux types d’investissement, par exemple dans la santé, sont réalisés. La rénovation urbaine est un autre axe de croissance, tous les grands promoteurs-constructeurs y viennent. Mais soyons clairs : l’immobilier qui va donner 4 à 5 % de rendement annuel et 1 à 2 % de revalorisation, c’est fini pour l’instant. Dans les faits, nous conservons notre offre immobilière au sein des contrats, en nous interrogeant sur un accès plus restreint, avec par exemple une pénalité de sortie les trois premières années pour dissuader les épargnants « illégitimes » (court-termistes) à y investir.
Avec la remontée des rendements, le fonds en euros reprend-il une place plus importante dans les allocations ?
Non, il n’est plus au centre de l’activité depuis quelques années. Le fonds en euros représente autour de 40 % de la collecte brute et les arbitrages dans nos contrats se font en sortie du fonds en euros vers les UC. Notre fonds en euros à garantie partielle, qui a servi de 2 à 2,30 % l’an passé, ne soulève pas d’objections des partenaires. Nous sommes l’un des seuls, sinon le seul assureur des CGP, à ne pas proposer de bonus. Cette attraction temporaire pour le client ne fait pas la différence sur la durée. Elargissons le propos : il faut comprendre que les rendements ne monteront pas jusqu’au ciel. Si l’OAT reste autour de 2,80–3 %, les obligations triple B à 4 %, comment verser plus sur le fonds en euros ? Concrètement, les rendements vont monter encore un peu, mais pas trop, sauf à ce que les assureurs piochent fortement dans leurs réserves.
Un mot sur votre fonds croissance ?
Beaucoup de pédagogie reste à faire, notamment expliquer qu’il ne faut pas le vendre en regardant dans le rétroviseur. 2021 avait été une bonne année côté performance, ce qui a engendré un peu de collecte en 2022. Mais étant composé à 50 % d’actions et d’obligations, le fonds a affiché une mauvaise performance en 2022, ce qui engendre par ricochet une faible collecte sur 2023. Notre fonds croissance contient un fonds obligataire daté qui a souffert l’an dernier, mais qui a du potentiel pour l’avenir.
Que vous inspirent les taux élevés et l’inflation ?
Nous avons pratiqué l’assurance-vie pendant quarante ans, avec des taux d’intérêt en baisse et des rendements de fonds en euros supérieurs à l’inflation, c’était notre mode de raisonnement. Les cartes sont rebattues. Il n’existe pas de solution miracle pour lutter contre l’inflation. Il nous faut refondre partiellement l’offre, sans la bouleverser. Par exemple, nous devons nous intéresser à nouveau à des produits de taux purs, comme les obligations en direct, ce que nous proposons chaque mois avec le taux du marché du mois.
L’assurance-vie a-t-elle sa place dans ce contexte ? Et le PER par extension ?
L’assurance-vie possède un énorme avantage : faire des opérations très diverses sans en sortir, donc sans fiscalité intermédiaire, avec une liquidité importante. Elle est adaptée au contexte, à condition que l’assureur soit innovant et agile. Sur le PER, la fiscalité y est prépondérante. Les montants de primes sont a priori limités, mais en considérant les possibilités de rattrapage sur trois ans des cotisations déductibles et surtout les transferts de sommes importantes d’ex-produits retraite ou de PER existants, on constate qu’il y a là un gros marché. Le PER est aussi un produit de gestion de patrimoine très large. Chez Spirica, notre offre PER se veut très qualitative, avec un contenu identique à l’assurance-vie, avec la gestion à horizon en plus. Elle pèse déjà 15 % de notre activité.