La loi Pacte a bouleversé le marché de l’épargne-retraite. Mais rares sont les sociétés expertes sur l’ensemble du cadre, individuel comme collectif. C’est le cas de Eres, pure player de l’épargne salariale et retraite. Rencontre avec son président, Mathieu Chauvin, au discours clair et percutant.
Investissement Conseils : Que propose Eres ?
Mathieu Chauvin : Notre rôle est de concevoir des solutions associant les salariés à la performance et au capital de leur entreprise, augmentant l’efficacité des systèmes de rémunération et offrant les meilleures solutions d’épargne longue pour préparer la retraite des salariés ou des épargnants individuels. Nous proposons des solutions soit sur mesure pour nos clients grandes entreprises, soit clés en main mises à disposition de nos partenaires distributeurs pour qu ' ils conseillent et accompagnent leurs clients entreprises et épargnants. Notre entreprise est née en 2005 et son métier historique est l’épargne salariale; très vite, nous avons élargi notre domaine d’action à l’épargne-retraite individuelle et collective. Quatre-vingts personnes travaillent aujourd’hui chez Eres.
Le partage du profit dans les entreprises est votre credo que signifie-t-il exactement ?
Chez Eres, nous sommes partis de l’idée conceptuelle, mais bien réelle, qu’une entreprise est une aventure humaine, et que les fruits de la croissance et de la productivité doivent être partagés. Ce n’est pas uniquement une question morale, mais aussi d’efficacité. Quand on est partie prenante du destin de son entreprise, on est plus efficace, plus productif, et finalement on partage un gâteau qui devient plus gros parce que chacun participe à cette aventure entrepreneuriale. Notre mission, c’est d’aider nos clients entreprises à associer leurs salariés à la performance collective. C’est ça le concept de partage du profit.
Concentrons-nous sur Eres Assurances. Quelle activité réalise cette branche ? Avec quels partenaires ?
A fin 2020, nous avions un stock d’épargne-retraite individuelle d’environ 560 M€ et un stock d’épargne-retraite collective de 240 M€. Soit 800 M€ au total. Concernant la collecte, notre activité est très dynamique, avec 240 M€ de versements bruts l’an dernier sur l’individuel, 40 M€ sur le collectif. En épargne-retraite individuelle, notre PER a été conçu avec Swiss Life. Nous lancerons une nouvelle offre en septembre prochain. Notre choix stratégique n’est pas de multiplier les produits, mais plutôt les plates-formes techniques de gestion des contrats. A l’autre bout de la chaîne, nous avons des conventions de partenariat avec cinq mille sept cents distributeurs, qui sont des CGP, des courtiers, des experts-comptables, des groupements structurés de professionnels indépendants, etc. Nous sommes dans un mouvement inverse de nos concurrents qui ont décidé de se focaliser sur leurs meilleurs apporteurs d’affaires. A l’inverse, nous considérons que notre richesse est d’apporter notre expertise à un réseau très large. Chaque année, nous animons entre cent cinquante et deux cent cinquante réunions d’information et de formation. Ce mouvement de digitalisation s’accompagne de recrutements soutenus dans toutes les régions de France pour offrir la disponibilité de nos experts de terrain à nos partenaires en région.
Quelle valeur ajoutée apporte Eres à ses partenaires distributeurs ?
Nous sommes un pure player de l’épargne salariale et de F épargne-retraite. C’est notre métier depuis l’origine. Cette expertise ciblée et pointue nous différencie sur le marché et fait notre valeur ajoutée auprès des professionnels. Les thématiques de l’épargne-retraite individuelle et collective, comme de l’épargne salariale, sont souvent vues comme complexes par nos partenaires, nous leur apportons donc l’expertise métier, toute la pédagogie, tous les outils et solutions techniques pour les aider à la fois à se former, à comprendre, à expliquer, mais aussi des outils d’aide à la vente. Nous les accompagnons dans leur démarche commerciale, y compris en rendez-vous client, et assumons toute la complexité technique et métier en interne. Autre valeur ajoutée, nous avons une approche globale de l’épargne-retraite, avec de l’expertise sur le collectif. La loi Pacte a ouvert les vannes, et de nombreux concurrents se sont positionnés sur le terrain de l’épargne-retraite, mais peu ont la double compétence de l’individuel et du collectif
Le lancement du PER a-t-il changé la donne de l’épargne-retraite en France ?
Oui, c’est une véritable révolution. La loi Pacte a eu l’ambition d’offrir sur le marché français l’équivalent des fonds de pension anglo-saxons. C’est vraiment une réforme structurelle qui visait à donner un cadre réglementaire homogène à l’ensemble des dispositifs d’épargne-retraite présent sur le marché collectif ou individuel. Avec un but, que dans un horizon de cinq à dix ans, les Français aient complètement repris la main sur leur épargne-retraite. Désormais, dans un même produit, qu’il soit collectif ou individuel, on peut gérer l’intégralité des dispositifs d’épargne-retraite. Quelques mesures emblématiques de la loi Pacte ont matérialisé cette ambition. Parmi elles, la possibilité de sortie en capital sur l’épargne individuelle « volontaire ». Mais aussi, côté collectif, dans les petites entreprises, la volonté de relancer le partage du profit avec le forfait social à 0 % sur l’abondement, l’intéressement ou la participation. Il a fallu beaucoup de ténacité au ministre Bruno Le Maire pour tenir cette réforme, tant les lobbys s’y sont opposés. On aurait même pu aller plus loin, par exemple sur le compartiment des versements obligatoires dans un contrat d’entreprise pour lesquels la sortie en capital n’est toujours pas possible. Globalement, cette réforme répond aux besoins des entreprises et des épargnants. D’ici cinq ans, nous parions sur une complète assimilation de la réforme, preuve en sont les niveaux de collecte et d’ouverture de plans actuellement.
Qu’en est-il chez Eres ?
Revenons quelques années en arrière. En 2014,nous avions lancé un Perp et en cinq ans, nos partenaires distributeurs en avaient ouvert dix mille, ce qui était un bon résultat pour un produit de niche. En quinze mois, d’octobre 2019 à fin 2020, nos partenaires avaient ouvert quinze mille Perin, sans prendre en compte la transformation des stocks. Sur 2021, la dynamique commerciale reste très forte, et plus encore sur la partie collective.
Alors que les PER se ressemblent beaucoup, comment innover sur ce marché ?
D’abord, en revenant sur la construction du produit. De quoi parle-t-on ? Financièrement parlant, d’une offre de gestion pilotée, définie par défaut, qui historiquement séduit peu. Sauf que dans l’arrêté qui a défini les règles et seuils de la gestion pilotée, le législateur a laissé beaucoup de liberté aux gestionnaires, ce qui leur permet de proposer des gestions adaptées aux profils et horizons de placement de chaque épargnant. Nous croyons beaucoup aux systèmes de gestion pilotée ou guidée qui vont s’adapter aux besoins, aux types d’investissements, aux souhaits de l’épargnant. Par exemple, en ayant des profils avec une coloration ISR ou immobilière. Sur le principe, on pourrait proposer des dizaines de profils de gestion pilotée, pour que chacun puisse quasiment définir un profil qui lui correspond. Ensuite, il faut innover sur la sortie du PER. La loi Pacte permet de sortir en capital, en rente ou en retraits fractionnés. C’est très bien, encore faut-il accompagner l’épargnant, lui donner des outils, des applicatifs digitaux, aider les conseillers aussi. On peut aussi imaginer des supports d’investissement adaptés au temps de la sortie. Historiquement, les produits de rente étaient investis sur le fonds en euros. Mais avec des rachats partiels programmés, on peut imaginer d’autres solutions financières. Il faut à la fois récupérer de manière intelligente fiscalement son épargne, tout en optimisant la gestion financière de ce qui reste sur le plan.
Les courtiers et CGP se sont-ils approprié cette nouvelle donne de l’épargne-retraite ?
Oui, en grande partie. On est enfin sortis de l’offre systématique qui était « dites-moi quel est votre projet, je vous dirai pourquoi il faut souscrire un contrat d’assurance-vie ». Bien sûr, l’assurance-vie reste un produit intéressant, mais ce n’est plus la réponse à toutes les problématiques. Cet enrichissement de l’offre avec le PER est en réalité tant profitable à l’épargnant qu’au partenaire distributeur. Notons que la loi Pacte a aussi mis l’accent sur le devoir de conseil à chaque étape de la vie du PER. Ce qui vient valoriser la distribution à forte valeur ajoutée des CGP et autres professionnels intermédiaires. Il leur reste à avoir une approche globale du sujet de la retraite. Chez Eres, nous avons la capacité à les accompagner sur le terrain de l’épargne collective, qui est la source principale d’efficacité. Quand on s’intéresse au conseil retraite, on intervient souvent en aval, une fois que le revenu professionnel a été constitué. En réalité, si on veut avoir le maximum d’efficacité, il faut travailler au niveau de l’entreprise pour démultiplier l’efficacité tant les dispositifs collectifs sont plus favorables. L’épargne salariale a souvent été vue comme annexe par les courtiers indépendants ou les CGP. Mais ça change ! Avec la loi Pacte, la fin du forfait social pour les petites entreprises, c’est aujourd’hui un défaut de conseil de ne pas ajouter cette dimension-là dans son expertise et dans le conseil prodigué, par exemple à un professionnel libéral. Pour ce dernier, le vrai plan d’épargne-retraite, ce n’est pas le Perin, mais le Pereco. Les courtiers, CGP et experts-comptables doivent intégrer ces nouvelles expertises dans leur offre pour accompagner efficacement leurs clients.
Propos recueillis par Frédéric Giquel