Un challenger à l’offensive

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Au-delà des produits, le service devient la variable clé pour se différencier sur le marché de l’épargne patrimoniale.

Bertrand Hau, directeur général d’Ageas France depuis l’automne 2021, dévoile comment sa compagnie va y travailler pour consolider sa place auprès des CGP.

Investissement Conseils : Quels sont les défis qui attendent Ageas France ?

Bertrand HauBertrand Hau : Certains enjeux sont liés à l’environnement de marché, marqué par des taux toujours bas et une inflation élevée sur 2021. Nous sommes donc à un moment crucial pour les ménages, avec des produits d’épargne sécurisés qui se dévalorisent, à l’instar des fonds en euros. Il existe des solutions alternatives, notamment avec l’assurance-vie. La profession doit continuer de s’emparer de ce sujet. L’autre défi pour Ageas France est lié à l’environnement très compétitif dans lequel nous évoluons. Notre entreprise est un challenger sur le marché des CGP, c’est une réalité. Pour y consolider notre place, nous nous devons d’être plus agiles et innovants dans les mois et années à venir. Enfin, il faut s’adapter aux nouvelles tendances de marché. Les épargnants veulent des produits transparents, notamment sur les frais, mais aussi sociétaux, avec une demande croissante sur les thématiques ESG. La pression réglementaire va être forte sur ces deux terrains. Les assureurs y ont déjà beaucoup répondu, mais ce n’est pas fini. Cet environnement nouveau devra être pris en compte sur l’ensemble de la chaîne, y compris avec les distributeurs de placements et les asset managers.

Comment Ageas compte répondre à ces enjeux ?

C’est une réponse à différents niveaux. Depuis plusieurs années, nous avons fait évoluer notre offre de produits, aujourd’hui bien établie. Avec nos partenaires CGP, nous avons amené les clients davantage vers les unités de compte, sans pour autant exclure le fonds en euros. Notre panel de solutions financières dans nos assurances-vie est désormais très large, avec de l’immobilier, du Private Equity, etc. Le vrai sujet pour Ageas France aujourd’hui, c’est de consolider son positionnement sur le marché de l’épargne en gagnant des parts de marché, telle est notre ambition pour les trois années à venir. Ce qui passe par un renforcement de nos liens avec les CGP et la conquête de nouveaux partenaires. Notre développement passera aussi par le marché de la retraite individuelle, qui est majeur pour nous. Il faut s’attendre à une réforme du système dans les années à venir, qui fera apparaître encore plus crûment le besoin de revenus complémentaires à la retraite pour les actifs. Avec le PER, nous avons toutes les cartes en main pour y répondre. Pour Ageas France, un autre enjeu sera d’améliorer la qualité de services proposée aux CGP. Nous mettons en place des plans d’action pour renforcer nos pratiques, car je suis convaincu que c’est un élément différenciant fort dans l’offre d’épargne.

Petit retour en arrière : quel bilan tirez-vous de l’année 2021 ?

Un bilan satisfaisant dans l’ensemble, même si nous aurions pu encore mieux faire. Sur le premier semestre, la collecte était en forte croissance, de 25 à 30 %, puis elle s’est essoufflée sur le second semestre. Globalement, nous avons fini l’année à +15 % de collecte, qui aura été de 640 millions d’euros au total. Dans le détail, 450 M€ reviennent aux produits assurance-vie et PER, 190 M€ à notre offre financière, essentiellement des SCPI en direct et aussi un peu de compte-titres. Notre part d’unités de compte s’élève à 55 % de la collecte totale, ce qui est largement supérieur à la moyenne du marché, entre 35 et 40 %. Un dernier chiffre, la compagnie Ageas France gère 4,5 milliards d’euros, dont 3,5 Md€ en assurance-vie et 1 Md€ en épargne-retraite.

Que vous inspire le marché de l’assurance-vie ?

C’est un produit avec un bel avenir pour plusieurs raisons, sous réserve de réformes fiscales que la campagne présidentielle pourrait faire poindre. D’abord, constatons que ce marché a montré une certaine résilience avec la crise sanitaire et financière de 2020. Preuve en est sa tonicité l’an passé, il est vrai porté par un contexte favorable avec l’envolée des marchés boursiers et les nombreux plans de relance gouvernementaux. Ensuite, je pense que l’assurance-vie est en train de retrouver sa vraie nature : être un véhicule d’épargne long, ce qu’on avait un peu oublié ces dernières années. L’assurance-vie, ce n’est pas faire de l’arbitrage permanent, c’est au contraire une certaine stabilité dans les allocations d’actifs. C’est aussi la mise en place de versements réguliers, pour s’inscrire dans cette durée longue. Financièrement, l’enveloppe est sans conteste très attractive, malgré la baisse du fonds en euros. Il faut gérer celui-ci de manière intelligente, ce que nous avons fait en 2021, avec 1,20 % distribué en moyenne, soit dix centimes de baisse par rapport à 2020. Par ailleurs, nous avons plus de deux années de provision pour participation aux bénéfices mises de côté.

Nos fonds en euros ne sont pas fermés, mais les épargnants doivent accepter des rendements sans doute sous l’inflation pour les prochaines années.

Quid du marché de l’épargne-retraite ?

C’est évidemment un marché d’avenir. Il y aura un besoin croissant de se constituer un capital retraite chez les actifs, et nous avons le produit pour accompagner ce besoin. L’intégration de la sortie en capital dans le PER a complètement changé la donne chez les épargnants. Nous sommes ici sur le terrain de l’épargne longue, comme en assurance-vie. Il est donc probable que le PER morde un peu sur le terrain de l’assurance-vie, mais sans doute de manière marginale. Il est important pour les compagnies de distinguer ces deux marchés. Nous travaillons chez Ageas France à la mise en place d’un FRPS (fonds de retraite professionnelle supplémentaire), pour cantonner les actifs liés aux produits retraite. Ces derniers ayant des contraintes de solvabilité moins fortes, c’est un moyen pour gérer plus dynamiquement cette épargne longue. Cette évolution se combinera avec l’obligation de cantonnement des actifs du PER à fin 2022. Tout sera logé chez nous dans un FRPS.

Sur quelles innovations produits et services travaillez-vous ?

Côté produits, nous avons déjà beaucoup innové par le passé. Avec le contrat MyPGA, le CGP peut notamment adapter avec son client les garanties et options au fil du temps, sachant que la tarification est aussi évolutive selon les choix faits. Il n’y aura donc pas d’innovation majeure sur les produits cette année, sinon bien sûr l’évolution permanente de l’offre de supports financiers. Notre travail en 2022 va résolument porter sur les services autour de produits. Il s’agit d’améliorer les parcours tant pour les clients que les CGP, avec un accès plus facile à nos produits et services. Aujourd’hui, nous avons des produits 100 % digitaux, comme MyPGA et notre PER. Mais il faut finir la dématérialisation des gammes de produits plus anciens. Avec la digitalisation, les assureurs ont souvent mis l’accent sur les actes de gestion principaux, à savoir la souscription du contrat, les versements et arbitrages, et peu sur les modes de sortie. Il nous faut aller au bout des services numériques, avec la possibilité de retrait par exemple. Concernant notre autre assurance-vie phare, Privilège Gestion Active, nous irons cette année vers la signature électronique. A ce sujet, la crise sanitaire a été un remarquable accélérateur pour les compagnies travaillant avec les CGP. Et nous avons aussi lancé, il y a un an, un contrat d’assurance-vie avec notre plate-forme Sicavonline, totalement digitalisé donc, intégrant le parcours de devoir de conseil et une offre large de supports ESG.

Que pensez-vous du développement de la gestion pilotée ou sous mandat dans les contrats ?

Que c’est une très bonne nouvelle pour les CGP en général. Son moteur, c’est de faire du conseil dans le cadre d’une gestion de patrimoine, pas de faire de l’allocation d’actifs sur laquelle il passera trop de temps. La gestion pilotée ou sous mandat apporte donc un vrai plus aux CGP. Il faut aussi voir cette question sous un autre aspect pour les professionnels, à savoir la pression sur les coûts. Dans le modèle de la distribution, avoir accès à des options de gestion pilotée permet de facturer un peu de frais et donc de maintenir un équilibre dans les partages de valeur. A ce titre, la gestion pilotée est particulièrement pertinente pour des encours de gestion modestes. Chez Ageas France, nous allons davantage les mettre en avant, avec des originalités. Par exemple, nous proposons un mandat de produits structurés. Son accès est limité, car il est de notre responsabilité de nous couvrir sur les risques de liquidité. Voilà, par exemple, pour le CGP une façon de donner à l’épargnant un accès à un investissement complexe, balisé par un professionnel.

Vous travaillez uniquement avec les CGP. Pourquoi ce choix ?

C’est une décision qui remonte à une petite dizaine d’années. Nous avions à l’époque un réseau salarié et du courtage CGP. Compte tenu de notre taille, nous ne pouvions pas croître sur ces deux marchés, d’où le choix de s’orienter vers l’épargne patrimoniale. En 2016, nous avons créé Ageas Patrimoine, qui propose aux CGP des contrats d’assurance-vie, de l’épargne-retraite et des produits financiers. Aujourd’hui, sous cette bannière, nous travaillons avec cinq cents à six cents CGP actifs et grands comptes.

Le marché des CGP est très concurrentiel. Comment vous y différencier ?

Pas par les produits, c’est certain. Les offres d’assureurs à destination des CGP sont aujourd’hui très comparables, et toute innovation est vite reprise par la concurrence. La différence va se faire par les services autour des produits. La relation humaine, la proximité, le lien entre les CGP et Ageas Patrimoine sont la clé de l’avenir. Il nous faut une qualité de services irréprochable ! En pratique, on se doit d’être agile et d’avoir des circuits de décisions courts. Les CGP sont des entrepreneurs, nous sommes une grosse PME capable d’être proche de leurs besoins, mais aussi de les aider à se développer. Les CGP ont gagné des parts de marché pendant la crise sanitaire parce qu’ils étaient disponibles, réactifs, proches de leurs clients. On se doit d’être le pendant de ce que le CGP est à ses clients. C’est l’ambition d’Ageas France.

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