La résilience des marchés va être testée

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La résilience des marchés est exceptionnelle jusqu’à présent. Elle risque cependant d’être plus sérieusement mise à l’épreuve cette fois-ci par une accumulation d’interrogations sur plusieurs sujets majeurs:pérennité de la reprise économique, impact du regain de l’inflation sur la consommation des ménages et les marges des entreprises, la Chine, et les politiques monétaires ! Pour la première fois depuis sept mois, les actions américaines et européennes ont baissé en septembre, légèrement certes. Les performances depuis le début de l’année demeurent très bonnes avec des progres-sions de plus de 15 % sur la plupart des indices des pays déve-loppés. Jusqu’à présent, en effet, les marchés ont été guidés par la conjonction de deux forces très puissantes. D’une part, la poursuite d’un rebond économique post-Covid très puissant qui s’est traduit par une amélioration spectaculaire des bénéfices des entreprises. D’autre part, des politiques monétaires très accommodantes qui ont permis de maintenir une liquidité abondante sur les marchés et maintenu les taux d’intérêt à des niveaux très bas, en dépit de la remontée de l’inflation. Ceci a naturellement poussé les flux d’investissement vers les actions et les actifs non cotés, au premier rang desquels figurent l’immobilier et le Private Equity, jusqu’à l’excès selon certains stratèges.

Des forces très puissantes semblent s’essouffler

Jean Marie MercadalEn premier lieu, en raison d’une forme de décélération du momentum de croissance. En Chine, le pic de croissance a été atteint au début de l’année. Depuis, les indicateurs montrent une forme de ralentissement et la croissance aura du mal à atteindre 8,4 %, ce qui est à ce jour attendu par le consensus des économistes recensés par Bloomberg. Pour 2022, le consensus s’attend à une croissance de seulement 5,6 %. L’économie chinoise a été la première à s’ouvrir après les confinements liés au Covid. Le rattrapage initial s’estompe donc naturellement, mais il n’y a pas que cela. Le pays est « secoué »par une vague de mesures réglementaires, aux objectifs certes louables (retrouver une certaine harmonie dans la société en réduisant les écarts de richesse, relancer la natalité, accélérer la réorientation vers une économie décarbonée…), mais qui provoque de réelles tensions. C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la quasi-faillite de l’entreprise Evergrande, l’un des plus gros promoteurs immobiliers au monde.

Il s’agit d’un problème purement chinois. L’exposition des banques et des investisseurs internationaux au secteur immobilier chinois est insignifiante. Il y a donc peu de risques d’assister à un phénomène de contagion comme lors de la crise des subprimes américains en 2007. En revanche, un nouvel accès de faiblesse de l’économie chinoise aurait des répercussions mondiales. Le gouvernement chinois cherche à enrayer l’envolée des prix de l’immobilier et de l’endettement consécutif, mais ce secteur représente un bon quart de l’économie du pays. De plus, l’immobilier constitue le socle du patrimoine des ménages chinois avec 40 % de leurs actifs. Une baisse des prix pourrait peser sur la confiance, freiner la consommation domestique et ainsi accélérer le ralentissement économique en cours, avec cette fois-ci un impact potentiel sur toute l’économie mondiale. Les autorités chinoises ont, semble-t-il, pris la mesure de ce risque, surtout avant une année très importante durant laquelle se tiendra le congrès du Parti communiste.A l’occasion de ce congrès, le président Xi Jinping cherchera une approbation unanime pour un troisième mandat et ouvrir la voie à une présidence « à vie », ce qui ne s’était plus produit depuis Mao Zedong. La Banque de Chine vient donc d’injecter des liquidités dans le système bancaire en vue de pouvoir venir en aide au secteur. Là aussi, il y a de la création monétaire. La prime de risque sur les actions chinoises a donc logiquement monté ces dernières semaines et devrait rester assez élevée, même si dans le contexte actuel, il y aura des opportunités d’investissement. Aux Etats-Unis, de nombreux économistes ont révisé significativement leurs estimations de croissance pour le troisième trimestre. Le modèle de la Fed d’Atlanta GDP Now Model, qui donne une indication le plus en temps réel possible, prévoit 3,7 % pour le trimestre, contre 5,3 % au début du mois de septembre. Dans la publication de son dernier Beige Book, la Réserve fédérale observe que, certes, le regain du variant Delta a contribué à ce ralentissement, mais que c’est loin d’être la seule raison. En effet, la consommation des ménages a nettement baissé, probablement en raison de la hausse des prix observée, notamment dans le domaine de l’énergie, et alors que des hausses d’impôts se profilent. Cette hausse des prix pourrait également finir par éroder les marges des entreprises. Il s’agit d’un paramètre très important à suivre lors de la prochaine campagne de publication des résultats trimestriels. L’inflation a en effet dépassé 5 % sur douze mois aux Etats-Unis, ce qui commence à être significatif. Pour l’instant, le consensus des économistes estime une croissance de l’économie américaine de 6,2 % cette année et de 4,3 % en 2022.

En zone euro, le rythme de reprise est jusqu’à présent supérieur aux attentes et la dynamique d’ensemble reste bonne. Les pays européens ont fait le pari de rouvrir assez tôt leurs économies en dépit de la diffusion du variant Delta, pari gagnant:il n’y a pas eu trop de conséquences sanitaires fâcheuses grâce à des campagnes de vaccination qui ont fini par porter leurs fruits. Nous notons toutefois un certain tassement de la confiance des consommateurs. La confiance des chefs d’entreprises se situe globalement à des niveaux très élevés mais, là aussi, quelques signes d’essoufflement se manifestent avec les pénuries de produits intermédiaires et de main-d’oeuvre, et de risques sur les marges en raison de la hausse des prix des matières premières et des produits intermédiaires. L’indice des prix est également à son plus haut niveau depuis dix ans, à près de 3,0 % sur douze mois. La croissance est pour l’instant attendue à 4,8 % cette année et 4,4 % en 2022.

Normalisation par la Fed de sa politique monétaire

C’est dans ce contexte que la Réserve fédérale américaine a décidé de commencer à normaliser sa politique monétaire, un peu plus tôt que ce qui était attendu. Elle a annoncé une réduction de ses achats de titres sur le marché obligataire dès la fin de l’année, et un premier relèvement de ses taux directeurs, d’ici un an.

Lors de cette crise de la Covid-19, les Banques centrales ont été louées dans le débat public pour avoir pris leurs responsabilités. Elles ont à certains égards dépassé leur fonction purement technique et assuré un rôle politique sociétal. Mais aujourd’hui, de sérieuses questions se posent à leurs sujets sur les dérives de ces politiques de stimulation monétaire:elles ont en effet favorisé une envolée du prix des actifs, accentuant de fait les disparités de richesse entre ceux qui détiennent des biens et les autres. Par ailleurs, elles sont suspectées de financer de manière trop laxiste les Etats, ce qui ne favorise pas le retour à une certaine discipline budgétaire. Compte tenu de tous ces éléments, la décision de la Réserve fédérale semble donc logique.

Après tout, l’économie est repartie, le taux de chômage a nettement rebaissé et l’inflation a enfin dépassé les objectifs qu’elle s’était fixés… Les marchés n’y ont pour l’instant accordé que peu d’importance et les taux se sont seulement tendus d’une quinzaine de points de base sur le dix ans, qui a tout de même dépassé le niveau de 1,50 %. Les marchés ne semblent ainsi définitivement pas croire à la remontée durable de l’inflation, ou alors anticipent un ralentissement économique plus marqué, ou pensent que les Banques centrales n’iront pas au bout de leur logique:elles maintiendront des taux réels négatifs pendant longtemps pour aider le désendettement des Etats au détriment des porteurs d’obligations.

En synthèse

Les annonces de retrait graduel du soutien monétaire de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne devraient se poursuivre, d’ici à la fin de l’année, alimentant des hausses de taux longs que nous pensons raisonnables. Ce mouvement s’effectuant dans un contexte de réouverture de l’économie et de Banques centrales prudentes limite le potentiel haussier des actions. Conjugué avec d’éventuelles déceptions de résultats actions au troisième trimestre, ce mouvement pourrait apporter une phase de volatilité qui serait l’occasion de reprendre du risque dans les portefeuilles.

 

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