Avec l’entrée du groupe April à son capital depuis le mois de juillet, le groupe Magnacarta entend poursuivre son développement en particulier sur son offre 1215 et la création de nouveaux pôles régionaux pour Mérimée Gestion Privée. Vincent Couroyer, son président, livre les raisons de ce changement d’actionnaire majoritaire et ses orientations stratégiques pour les années à venir.
Investissement Conseils : En juillet dernier, vous annonciez l’entrée à votre capital du groupe April, pour quelles raisons ?
Vincent Couroyer : L’an passé, nous avons échangé avec notre actionnaire principal, Christian Burrus, sur notre développement à venir, alors qu’il passait en revue ses participations présentes et celles à venir. De façon collaborative, il a été décidé qu’il n’avait pas assez de temps et de moyens à nous consacrer pour soutenir l’ambitieux plan de développement à cinq ans que nous lui avions soumis.
Dès lors, nous sommes entrés dans un processus traditionnel de recherche d’un nouvel actionnaire mené en compagnie de PwC durant le premier semestre 2022 et qui a abouti à la prise de participation d’April.
Plusieurs candidats s’étaient montrés intéressés ?
Tout à fait, mais notre choix s’est porté sur April pour diverses raisons. Outre la qualité des femmes et des hommes que nous avons rencontrés, nous avons tout d’abord apprécié le savoir-faire digital du groupe. April a en effet su développer des outils métiers performants pour ses courtiers en matière de parcours client. Or en tant que facilitateur de l’activité de nos adhérents, il s’agit de l’un de nos principaux besoins actuels.
Par ailleurs, April est un industriel du secteur qui dispose de l’appui d’un fonds d’investissement anglo-saxon, CVC Capital Partner, depuis septembre 2019. Cela suppose donc qu’April va nous accompagner sur le long terme et qu’elle est en capacité de rapidement mobiliser des fonds pour le développement de ses activités. April, qui était sorti des métiers du patrimoine il y a quelques années, réunit donc le meilleur des deux mondes et s’est imposé à nous comme le meilleur partenaire pour notre futur.
Par ailleurs, April est un groupe lyonnais, comme nous qui sommes des fervents défenseurs de l’ancrage régional des structures. Nous allons également pouvoir les accompagner dans leur développement sur le marché de la gestion de patrimoine qui est un de leurs axes de développement pour les années à venir.
Quel est le niveau de prise de participation d’April ?
April est ultra-majoritaire à notre capital, à plus de 90 %, ce qui est leur habitude. Nous avons d’ailleurs particulièrement apprécié qu’April accède à la volonté de Oddo BHF de demeurer à notre capital, ce qui est pour nous une marque de confiance de la part de cet actionnaire historique de Magnacarta, même si sa prise de participation a été réduite. De même, le management reste actionnaire du groupe et est toujours plus impliqué dans son développement, ainsi que quelques cabinets historiques du groupement.
Que retenez-vous du chemin parcouru en compagnie du groupe Burrus ?
Si l’on raisonne par analogie avec le monde du Private Equity, le groupe Burrus nous a accompagnés dans notre phase d’amorçage pour atteindre les 2,5 milliards d’euros d’encours pour cent cabinets adhérents, et nous passons désormais à la phase de développement. En effet, durant cette période, nous avons pu bâtir les deux autres piliers de notre croissance aux côtés de Magnacarta, notre structure d’accompagnement historique des cabinets de gestion de patrimoine.
Suite au rachat de Serenalis, nous avons en effet créé la plateforme 1215 qui propose une offre plus standardisée et plus orientée vers le digital que Magnacarta. Parallèlement, nous avons lancé Mérimée Gestion Privée, une structure qui se veut plus proche des cabinets de CGP et qui a vocation à leur faire briser le plafond de verre en termes de développement, aussi bien via la croissance organique que la croissance externe.
Des synergies produits ont-elles également été mises en place ?
Tout à fait, nous sommes allés piocher dans les ressources du groupe, comme c’est le cas avec Oddo, lorsque cela était utile à nos membres. Nous avons développé une offre de gestion sous mandat avec Dôm Finance. Nous avions en effet la conviction que cela répondait à une attente de nos adhérents et de leurs clients. Cela a été plus simple de le faire avec une société soeur qui, en la personne de Valentin Bulle, dispose d’un gérant de talent. D’autres accords ont été noués, notamment avec Afi-Esca Luxembourg.
Néanmoins, il ne s’agissait pas de devenir un canal de distribution du groupe Burrus. Nous avons toujours évolué en parfaite architecture ouverte, ce qui est le propre du métier de conseiller en gestion de patrimoine, et ce choix a toujours été respecté par notre actionnaire.
Quelle sera l’orientation de votre développement digital que vous conduirez avec les équipes d’April ?
La première étape de cette digitalisation va consister à fluidifier nos rapports avec nos partenaires CGP, puis dans un second temps avec les clients finaux. L’objectif est toujours de faciliter la vie des conseillers en gestion de patrimoine, en leur assurant le respect de la réglementation, la pertinence du conseil et le choix du produit.
Outre le digital, comment allez-vous mobiliser vos nouveaux moyens financiers ?
Des recrutements sont prévus pour développer nos services et fonctions supports, en particulier le digital, mais aussi pour accroître notre développement commercial et notre présence auprès des cabinets.
Quel est votre plan de développement à cinq ans ?
Il se veut ambitieux et repose sur nos trois entités:Magnacarta, Mérimée et 1215. Pour Mérimée Gestion Privée, nous comptons rapidement atteindre les dix pôles, contre trois actuellement. Il s’agit de construire des structures fortes localement, en centralisant toutes les fonctions qui peuvent l’être pour leur libérer du temps dédié au conseil, le tout en respectant l’ADN et l’autonomie de chaque entité. Pour 1215, nous avons la conviction que cette offre a tout son intérêt aujourd’hui, alors que de nombreuses structures se créent et qu’il existe toujours beaucoup de cabinets « traditionnels »composés d’une ou deux personnes. 1215 est pour eux le moyen de s’adosser à une structure en gardant leur indépendance capitalistique et d’obtenir les réponses à l’ensemble de leurs besoins, que ce soit en termes organisationnels que dans l’exercice de leur métier (ingénierie patrimoniale et sélection/accès aux produits). D’ailleurs, sur les six premiers mois de l’année, plus de trente cabinets ont adhéré à l’offre. Enfin, nous allons poursuivre notre croissance raisonnée sur Magnacarta avec comme objectif d’accompagner nos membres selon leurs besoins.
Sur le plan chiffré, comment cela se traduit-il ?
L’objectif est de rapidement, au plus tard d’ici cinq ans, doubler de taille pour atteindre les cinq milliards d’euros d’encours, avec notamment un fort développement sur Mérimée Gestion Privée. Dans ce sens, des opérations de croissance externe seront réalisées avec comme objectif de créer de la valeur sur le long terme, comme nous l’avons toujours fait, et non pas d’accumuler des stocks.
Nous sommes confiants dans notre potentiel de développement:notre modèle fondé sur le conseil, l’approche globale et la confiance des clients a prouvé sa solidité depuis maintenant vingt-cinq ans.
Pour conclure, un mot sur le dynamisme de votre activité depuis le début de l’année ?
Le niveau d’activité est bon et nous continuons de tirer les fruits de notre présence aux côtés des clients lors de la crise sanitaire. Pouvoir traiter le flux des clients, dans le respect de l’approche globale, est même devenu une vraie problématique pour nos adhérents.
Si nous n’avons pas ressenti d’interrogation majeure des clients lors de crise en Ukraine, nous sentons désormais poindre quelques interrogations sur l’économie, notamment vis-à-vis de l’inflation qui a atteint un niveau que nous n’avions pas connu depuis très longtemps.
Nous changeons clairement de paradigme et tout n’est pas encore très clair… Cela se traduit par un certain attentisme visà-vis des marchés financiers, alors qu’à l’inverse l’appétit des clients pour les actifs non cotés ne fait que croître.