Fondé par Sandrine et Cédric Genet, Carat Capital a réalisé l’acquisition d’un family office au Benelux, un peu plus d’un an après l’entrée à son capital de Parquest. L’occasion de faire le point sur le développement de la société avec sa dirigeante.
Investissement Conseils : Pourriez-vous nous présenter le parcours de Carat Capital ?
Sandrine Genet : Avec mon mari, Cédric, nous avons lancé Carat Capital en 2006 avec, dès le début, un prisme fort sur l’accompagnement des professions libérales et dirigeants d’entreprise dont les problématiques sont bien différentes de celles du salariat. Nous nous attachons à ne pas nous limiter aux seuls entrepreneurs fortunés, mais aussi à ceux qui s’installent. Nous avons la conviction que nous avons un rôle à jouer dans la constitution de leur patrimoine, tout au long de leur vie d’entrepreneur. Ceux qui se lancent ont des besoins forts en termes de conseil : quelle structure de société choisir ? Comment protéger leur famille ou leurs revenus ?… Nous avons connu un développement « artisanal » durant dix ans jusqu’à atteindre les 55 millions d’euros d’actifs conseillés. En 2017, nous avons décidé de transformer notre modèle de cabinet en une société structurée, en renforçant nos process, en réalisant des opérations de croissance externe, tout en recrutant de nouveaux collaborateurs car nous exerçons un métier d’hommes avant tout. Nous avons connu un fort développement, puisque nous avons atteint les 500 millions d’euros d’encours, début 2021. Durant cette période, nous avons appris à mener des opérations de croissance. Une première acquisition a été réalisée en 2017, le cabinet Expertise & Patrimoine Conseils doté de 23 millions d’euros d’encours. Il s’agissait d’une opération assez simple puisque sa dirigeante, Christine Corréard, exerçait seule et nous a accompagnés durant deux ans. En 2019, alors que nos encours s’élevaient à 200 millions d’euros, nous avons racheté le cabinet ASG Finance d’Olivier Trochon, qui disposait de 100 millions d’euros d’actifs conseillés et d’une équipe de six personnes. Celle-ci nous a permis de « senioriser » notre équipe, alors que nous avions bâti une équipe de douze personnes plus junior. Ces deux opérations de croissance externe nous ont permis de nourrir notre portefeuille de clients suivis par les collaborateurs que nous avions recrutés.
En effet, notre approche consiste à consacrer beaucoup de temps à nos clients pour les accompagner au mieux, ce qui se traduit par un ratio clients suivis par conseiller plus faible que dans d’autres structures. Si nous sommes, dans un premier temps, moins rentables, cette démarche permet d’emporter la satisfaction de nos clients et ainsi d’obtenir des recommandations de clients, mais aussi de partenaires du chiffre et du droit. La grande disponibilité que nous accordons à nos clients nous permet également d’agir de façon plus globale sur leur patrimoine et de mieux détecter leur potentiel de développement. A fin 2020, nous avions atteint les objectifs que nous comptions atteindre avec une année d’avance. Parallèlement, la dynamique du marché des CGP avait évolué avec l’accélération de la concentration des acteurs, mais aussi un effet de seuil qui avait augmenté. En effet, il y a cinq ou six ans, on pouvait considérer qu’à 100 millions d’euros d’encours, la taille critique était atteinte. Or ce n’est plus le cas:la multiplicité des solutions qui nous sont ouvertes, la plus grande technicité demandée, les changements réglementaires, par exemple, nous ont poussés à encore nous développer pour pouvoir toujours fournir un service de qualité à nos clients.
Vous décidez donc de faire entrer Parquest à votre capital. Pour quelles raisons ?
Tout à fait. Nous avions la possibilité de rejoindre un projet plus important, mais nous ne nous sommes pas reconnus dans les propositions de valeurs. Nous avons donc décidé de poursuivre notre chemin en nous associant à Parquest entré de façon minoritaire à notre capital. Il était, en effet, nécessaire de disposer de moyens financiers supplémentaires pour accélérer notre croissance, en agrégeant d’autres acteurs à nos côtés, mais aussi en poursuivant notre forte croissance organique. Par ailleurs, nous avons encore davantage structuré notre entreprise.
Depuis, deux acquisitions ont été réalisées. En juillet 2022, nous avons racheté le cabinet Score Patrimoine, fondé par Judith Sebillotte, et dont l’ADN tourné sur le conseil collait parfaitement au nôtre. Nous avons alors intégré 100 millions d’euros d’actifs et une nouvelle collaboratrice. En ce début d’année, nous avons acquis le cabinet Umani, un multi-family office fondé par Thomas de Wouters d’Oplinter, basé à Bruxelles et qui dispose d’une filiale à Luxembourg.
Désormais, Carat Capital compte un milliard d’euros d’actifs sous gestion, et nous comptons collecter entre 150 et 200 millions d’euros cette année.
Pourquoi avez-vous décidé d’investir sur le marché belge ?
Dans leur grande majorité, nos clients entrepreneurs ont une dimension internationale : études à l’étranger, mariage avec une personne d’une autre nationalité, délocalisation de leur entreprise ou création d’une filiale dans un autre pays européen, détention d’actifs à l’étranger… Si nous avons des spécialistes de la fiscalité internationale dans nos rangs, cet ancrage hors de France est stratégique pour nous, afin de mieux suivre nos clients.
Quelle proposition de valeur faites-vous à ceux qui vous rejoignent ?
Notre volonté est toujours de développer notre projet entrepreneurial avec eux, mais cela varie selon les opportunités et leurs attentes. Par exemple, Judith Sebillotte avait pour objectif de transmettre son cabinet. Elle nous accompagne donc pendant deux ans. En revanche, Thomas de Wouters d’Oplinter a réinvesti dans son entreprise, mais aussi au sein du groupe.
Nous apprécions les cabinets dont le dirigeant arrive au bout de son développement et souhaite s’intéresser à d’autres aspects de la profession ou se concentrer sur sa mission de conseil. Nous sommes à la recherche d’entrepreneurs qui se projettent dans le temps, au-delà de l’opération de cash-out. Dans tous les cas, nous sommes très sélectifs, avec la volonté de réaliser une ou deux acquisitions par an de structures qui partagent notre ADN. Notre ambition n’est pas d’être le plus gros acteur du marché, mais de construire un ensemble homogène avec la volonté de servir au mieux nos clients.
Comment se matérialise la structuration de votre entreprise ?
Carat Capital est désormais constitué d’une équipe de trente-cinq personnes, dont quatre à Bruxelles, réparties dans différents pôles de compétences : l’ingénierie juridique et fiscale, l’ingénierie financière… Cette structuration de l’entreprise nous a donc conduits à beaucoup recruter.
Notre offre repose également sur un service de family office dédié aux entrepreneurs – l’Entrepreneur Office – constitué de cinq personnes et accessible à la clientèle disposant d’au moins 10 millions d’euros d’actifs financiers. Il s’agit généralement d’une clientèle d’entrepreneurs jeunes, ayant réalisé une opération de cash-out partiel ou total. Leur comportement est bien différent de celui des clients traditionnels:ils ont une réflexion entrepreneuriale de la gestion de leur patrimoine, sont plus informés, ont une approche poussée des coûts… Par exemple, nous co-construisons ensemble les stratégies, en particulier lorsque cela concerne le remploi de plus-values de cession. Les problématiques sont aussi différentes, puisque ce sont généralement la première génération à avoir fait fortune; ils ne sont pas tous mariés, n’ont parfois pas encore d’enfant…
Connaissez-vous des difficultés à recruter ?
Cela n’est pas forcément difficile de recevoir des candidatures, d’autant plus que nous avons une image positive. En revanche, le management est plus exigeant, car nous embarquons nos collaborateurs dans un projet de forte croissance qui nécessite de nombreux changements et évolutions dans notre organisation. Les attentes de nos collaborateurs ont aussi changé et ils veulent bien maîtriser le projet de l’entreprise.
Lors de la prise de participation de Parquest, nous avons associé quatorze de nos collaborateurs, avec la volonté qu’ils soient bénéficiaires de la surperformance de l’opération. Néanmoins, l’adhésion au projet de l’entreprise reste plus forte que la réussite financière.
Quels sont vos autres projets de développement ?
Nous avons l’ambition de renforcer notre approche autour de l’investissement à impact. La réglementation va nous aider dans ce sens, tout comme l’offre qui s’est considérablement élargie ces dernières années. En effet, jusqu’à il y a peu, les produits ISR étaient avant tout des fonds actions, ce qui ne correspond pas toujours aux profils de nos clients. On note également que les solutions à impact se retrouvent plus dans les solutions de remploi du 150 O B ter, nos clients souhaitant investir directement dans entreprises à forte dimension écologique et sociétale.
Un mot sur la potentielle remise en cause du modèle économique de la profession ?
Chez Carat Capital, nous avons toujours fait cohabiter la perception d’honoraires et de commissions. Tout l’enjeu est de faire comprendre le sujet au client final. Cette interdiction des commissions ne serait pas un problème, pour nous et pour les grands acteurs du marché. En revanche, la transition serait plus délicate pour les acteurs plus petits. Or je considère qu’il est nécessaire que le marché conserve une offre diversifiée en termes de typologies de cabinets, alors que l’offre des établissements bancaires tend à s’appauvrir. Au final, une telle mesure serait préjudiciable pour les clients finaux, déjà assez peu au fait des questions économiques, financières et fiscales.